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SAISON 2020 - 2021

Eugénie et Napoléon III n’ont qu’un fils : Louis. Suite à la défaite de Sedan, le jeune héritier doit s’exiler avec sa mère à Londres. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l’Histoire", Jean des Cars retrace l’adolescence du prince ​impérial, jusqu’à sa mort tragique en Afrique australe à l’aube de ses 24 ans… 

Après la mort de Napoléon III, le prince impérial est reconnu héritier de la dynastie des Bonaparte. Exilé en Angleterre, il ne peut reconquérir le trône de France. Il s’engage ​alors en Afrique australe pour soutenir les troupes de son pays d'accueil. Dans ce nouvel épisode du podcast Europe 1 Studio "Au cœur de l'histoire", Jean des Cars achève le récit de la ​courte vie d​e ce jeune prince qui ne règnera jamais.

Le prince impérial est en sûreté sur le territoire anglais. Pratiquement seul au Marine Hotel d’Hastings, il sait seulement que son père l’Empereur est prisonnier des Prussiens. 

L’ambassadeur de France à Londres, démissionnaire mais encore à son poste, vient le voir. Il ne sait pas où se trouve sa mère. Il sait seulement qu’elle a réussi à quitter les Tuileries le 4 septembre. Eugénie, avec sa fidèle dame de compagnie, Madame Lebreton, a pu, grâce à l’aide sans faille de son dentiste américain le docteur Evans, gagner la côte normande. 

A Deauville, un Anglais a accepté de les prendre à bord de son yacht "La gazelle" pour leur faire traverser la Manche. Ils sont pris dans une terrible tempête et débarquent sur l'île de Wight. C’est là qu’Eugénie apprend, par un journal, la présence de son fils à Hastings. Malgré la fatigue, elle veut le rejoindre au plus vite.  

A Hastings, le docteur Evans, pour ne pas causer trop d’émotion au prince, vient le voir en premier afin de lui assurer que sa mère est saine et sauve. Il retourne ensuite chercher Eugénie, descendue dans un autre hôtel. Elle se précipite... La mère et le fils tombent dans les bras l’un de l’autre. Peu après, les fidèles arrivent : le précepteur Filon, la gouvernante Miss Shaw, la maréchale Canrobert et les deux filles de la duchesse d’Albe, la sœur décédée de l’impératrice.

Ce petit monde se regroupe au Marine Hôtel où il est l’objet d’une immense curiosité de la part de la population locale mais hélas aussi des journalistes. 

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Le prince visite le champ de bataille d’Hastings. Il envoie à son père quelques gravures le représentant en espérant le distraire un peu... Pendant ce temps, Eugénie recherche une maison. Elle dispose de peu de moyens : ses biens personnels comme ceux de l’Empereur ont été mis sous séquestre le 5 septembre. Elle n’a accès qu’à son héritage espagnol et à des biens italiens de la famille Bonaparte. Bientôt, elle devra vendre les bijoux qu’elle avait pu emporter. 

La vie au Camden Palace 

Son choix se porte sur une résidence, mi-château, mi-cottage, datant du XVIIe siècle, Camden Place. Son propriétaire est prêt à la louer. Elle se situe dans le village de Chislehurst, dans le Kent. Pour Eugénie, il a deux avantages : il possède une église catholique et une gare qui permet de rejoindre Charing Cross, à Londres, rapidement. 

Il y a peut-être un détail qui a particulièrement touché l’impératrice : une belle grille marque l’entrée de Camden Place. Elle a été achetée à Paris par le propriétaire. C’était cette grille qui durant la magnifique Exposition Universelle de 1867 fermait ce qu’on appelait “l’avenue des souverains”. Elle a donc souvent vu passer le couple impérial et toutes les têtes couronnées qui venaient à Paris.

La maison est assez grande pour accueillir tout le monde. Au rez-de-chaussée se trouvent les salles de réception, indispensables, même pour des exilés. La résidence est confortable et entourée d’un beau parc boisé. Le grand ami du prince, le jeune Louis Conneau, fils du médecin personnel de l’Empereur, dont il partage la captivité en Hesse, vient rejoindre les occupants de Camden Place.

A la fin du mois d’octobre, Eugénie a pu voir son époux à Cassel, au château de Wilhelmshöe. Ils pleurent tous les deux sur la France et parlent de l’avenir de Louis qui les préoccupe beaucoup. C’est fin novembre que la reine Victoria, accompagnée de sa dernière fille Béatrice, vient faire une visite à l’impératrice et à son fils. Elle est conquise par l’installation “si française et élégante” de la maison. Victoria accordera un soutien sans faille aux exilés. 

Les nouvelles de France sont désastreuses : les Prussiens assiègent Paris, puis la proclamation de l’Empire allemand à Versailles le 18 janvier 1871 et la signature de la paix le 27 février à Versailles à des conditions très lourdes pour la France : la perte de l’Alsace et de la Lorraine et une très importante indemnité  de guerre à verser à l’Allemagne.

La libération de Napoléon III 

L’Empereur est libéré le 19 mars. Il débarque à Douvres le lendemain. Eugénie et leur fils sont venus l’attendre. Louis rayonne du bonheur de revoir son père. Il se jette dans ses bras et le tenant par la main, le conduit jusqu’à sa mère. Très vite, Victoria vient leur rendre visite. Pendant ce temps-là, la Commune met Paris à feu et à sang. Cette insurrection populaire est extrêmement violente. Le 16 mai, la colonne Vendôme est abattue, le 23 mai le feu est mis aux Tuileries qui vont brûler pendant plusieurs jours, la terrible "semaine sanglante". 

Du palais, il ne restera qu’une carcasse vide. Les exécutions et les saccages de l’insurrection, mais aussi sa répression toute aussi épouvantable sont une épreuve supplémentaire pour l’Empereur, Eugénie et leur fils. Leurs chères Tuileries ont disparu à jamais…

La famille impériale reçoit de nombreuses visites. L’historien Ernest Lavisse s’entretient du passé de la France avec le jeune prince. Il le trouve rêveur et Louis lui dit pourquoi : "Je pense à ce que je donnerais pour voir l’omnibus Grenelle-Porte Saint-Martin déboucher au coin de la rue du Bac."

La nostalgie des exilés le prend très vite. L’Empereur, lui, n’est pas totalement découragé. Il pense que la République ne va pas durer : "L’Empire a perdu, je le sais, cinquante pour cent de son prestige, mais il lui reste l’autre moitié. Dans l’impossibilité où se trouvent Républicains et Orléanistes de s’organiser, cette moitié doit suffire à nous ramener. Nous sommes la solution nécessaire."

L’ambiance de Camden Place ne peut qu’être oppressante pour le prince d’un Empire qui n’existe plus. Contre toute lucidité, ses parents s’accrochent à une possibilité de retour. En 1871, il n’y a eu que cinq députés bonapartistes élus. Napoléon est alors conscient du mal-être de son fils. Il pense que l’inscrire avec son ami Conneau dans une école anglaise sera la meilleure façon de lui redonner un équilibre. On inscrit donc les deux garçons au Queen’s College de Londres. 

Le jeune Conneau, Louis et le précepteur Filon se rendent à Londres deux fois par semaine pour y suivre un enseignement à la carte. Le jeune prince adore l’atmosphère de la capitale anglaise. Les jours de congé, Filon conduit ses deux élèves aux musées puis aux spectacles à Covent Garden pour l’opéra et la danse, au Drury Lane pour le théâtre. 

Mais le Queen’s College se révèle décevant pour les deux garçons. Napoléon III décide alors d’inscrire Louis à une école militaire, après en avoir longtemps discuté avec lui. Son choix s’est porté sur l’Académie Royale de Woolwich. La reine Victoria donne son accord pour l’admission du prince au titre d’élève étranger. 

Après des vacances en Ecosse avec sa mère et un séjour avec ses deux parents à Cowes, dans l'île de Wight, pour les fameuses régates, Louis prépare son examen d’entrée à Woolwich. Il est reçu et intègre aussitôt l’école. Son instruction va durer vingt-sept mois. Mais l’Empereur souffre de plus en plus de son calcul dans la vessie. Il consulte, et le 6 décembre 1872, un chirurgien renommé, le docteur Henry Thompson le sonde sous anesthésie. Le calcul a la dimension d’un œuf de pigeon. Il est nécessaire d’opérer. 

Une première tentative échoue. La deuxième opération a lieu le 6 janvier 1873. Elle a été relativement efficace mais les douleurs sont si violentes que le lendemain l’Empereur reste prostré. Le 9, il souffre de plus en plus. Il fait chercher le prince à Woolwich mais Louis arrive trop tard. Sa mère Eugénie lui ouvre les bras et lui dit : "Louis, je n’ai plus que toi".

Les obsèques ont lieu six jours plus tard. La reine Victoria est présente. Une foule recueillie s’est rassemblée dont une importante délégation venue de France. Deux absences sont remarquées : celle de Mac-Mahon qui ne veut pas porter ombrage à sa future carrière politique, et celle d’Émile Ollivier qui envoie néanmoins d’Italie une très belle lettre au prince Louis. A sa majorité, il deviendra le chef de la famille Napoléon. L’oncle Plon-Plon se verrait bien en tuteur jusqu’à sa majorité mais une fois de plus, Eugénie passera avant lui. L’Empereur en avait décidé ainsi.

L’héritier

Louis reprend donc ses études à Woolwich et le 16 mars 1874, le prince a 18 ans, il est déclaré majeur. Tout en étant très conscient de ses nouvelles responsabilités, il refuse que l’on célèbre l’événement d’une façon spectaculaire. Il sait trop quelles difficultés risquent de se présenter devant lui pour se lancer dans une aventure chimérique. 

Toutefois, poussé par ses partisans, il consent à recevoir à Camden Place le 16 mars tous les Français qui voudraient lui adresser un message. Le lundi 16, donc, une foule arrive par trains à Chislehurst. Accompagnés du prince Lucien Bonaparte et du prince Murat, l’impératrice et le prince impérial se rendent à la petite église catholique Sainte-Marie où une messe est célébrée. Ensuite, une réception a lieu. Une tente a été dressée dans le parc, trop petite pour contenir tous les participants. Le prince prononce alors son premier discours de prétendant au Trône impérial : "La France librement consultée jettera-t-elle les yeux sur le fils de Napoléon III ? Cette pensée éveille en moi moins d’orgueil que de défiance de mes forces...Quand l’heure sera venue, si un autre gouvernement réunit les suffrages de la majorité, je m’inclinerai respectueusement devant la résolution du pays. Si le nom de Napoléon sort des urnes populaires, je suis prêt à accepter la responsabilité que m’imposerait le vote de la Nation."

Louis est réticent. On peut le comprendre. Il a 18 ans et vient de subir une épreuve épouvantable. Il n’a pas envie d’aller au devant d’un désastre. Ce sera une attitude constante. Il s’informe de façon permanente des succès et des échecs du parti bonapartiste en France aux diverses élections qui vont se succéder. Toujours réticent à trop s’engager, il va aussi devoir affronter son redoutable oncle Plon-Plon qui sera battu plusieurs fois à Ajaccio par le candidat soutenu par le prince impérial, dans un premier temps par son cousin le prince Charles-Lucien et la fois suivante par l’ancien Préfet Haussmann.

Entre-temps, le prince a terminé ses études. Il a quitté la vie militaire. Il est accueilli dans toute la bonne société britannique, très souvent invité à des manifestations officielles par la reine Victoria. Il est beau, charmant, intelligent. Tout le monde souhaite l’inviter et le rencontrer aux chasses, aux bals et à toutes sortes de fêtes privées. Il passe ses vacances en Suisse, à Arenenberg, avec sa mère. Il fait aussi de grands voyages en Italie : Venise, Florence et Rome où il est reçu par le pape Pie IX, son parrain.

Mais insensiblement, la France semble s’installer dans la République. Et Louis, malgré sa vie sociale très active, s’ennuie un peu à Camden Place, seul avec sa mère. Il est reçu à la Cour de Danemark puis par celle de Suède avant de gagner à nouveau Arenenberg où il retrouve l’impératrice à l’été 1877.

Il piaffe d’impatience. Il veut agir, prouver qu’il peut être utile, se couvrir de gloire en combattant.  Il apprend en octobre 1877 que l’Autriche se prépare à un conflit armé en Bosnie-Herzégovine qu’elle vient d’occuper en application du Congrès de Berlin. Louis demande alors à sa mère d’intervenir auprès de François-Joseph pour qu’il le laisse combattre avec les troupes autrichiennes. Eugénie n’est pas enthousiaste mais elle sent son fils si déterminé qu’elle envoie une lettre au souverain Habsbourg. Ce dernier répond de façon négative en expliquant qu’il a repoussé la même demande formulée par son propre fils, l’archiduc Rodolphe. Louis, qui était prêt à partir, est horriblement déçu. Il devra attendre un peu plus d’un an avant qu’une nouvelle occasion se présente.

Le dernier drame

Le 11 février 1879, l’Angleterre, stupéfaite, apprend le désastre d’Isandhlwana en Afrique australe. En quelques heures, des troupes anglaises, parfaitement aguerries, ont été anéanties par des Zoulous peu armés à part quelques fusils fournis par des trafiquants allemands. La catastrophe s’est passée le 22 janvier : 20.000 Zoulous brandissant des sagaies ont attaqué par surprise le camp anglais. Ils ont massacré 800 soldats. Les pertes zoulous sont évaluées à 350 hommes. Après cet échec cuisant, Londres décide la conquête,  définitive, du Zoulouland et y envoie d’importantes troupes. Parmi les jeunes officiers, il y a de nombreux compagnons du prince Louis.

Louis décide de faire comme eux : il sollicite du gouvernement britannique l’autorisation de s’engager. L’impératrice est effondrée mais elle va néanmoins l’aider. En effet, le gouvernement n’assume pas la responsabilité de l’engagement du prince impérial comme officier dans une unité combattante. Désespéré, Louis pleure de déception. A sa mère, il dit : "Rien  ne me réussit".

Et il demande à Eugénie de plaider sa cause auprès de la Reine. Victoria en parle au Premier ministre Disraeli. Finalement, le Cabinet donne, à regret, son accord pour le départ du prince impérial à condition qu’il n’aille en Afrique australe que comme observateur pour l’Etat-Major. A ce titre, il pourra suivre les opérations militaires mais ne pourra exercer aucun commandement.

Louis s’embarque fin février après des adieux déchirants à l’impératrice. En tant qu’observateur, il accompagne plusieurs patrouilles de reconnaissance. Le 1er juin, le prince impérial  escorte six soldats sous la direction du capitaine Carey. Ils atteignent un village déserté depuis peu, descendent de leurs chevaux pour prendre de l’eau dans la rivière. Au moment où ils vont repartir, une cinquantaine de Zoulous les attaquent. Les Anglais fuient à cheval et le prince s’accroche à sa selle mais la sangle se rompt. Il se retrouve à terre. Son cheval s’enfuit. 

Lorsqu’il se relève, Louis est seul et les Zoulous l’attaquent. Il fait face, mais il est massacré par des sagaies, dont une dans l’œil droit. On comptera dix-sept blessures. La mort du prince impérial a été causée par la lâcheté du lieutenant Carey qui l’a abandonné. Le lendemain, les Anglais viennent rechercher le corps du prince.

A Londres, lorsqu’elle est connue le 19 juin, la nouvelle est un coup de tonnerre. Victoria est à Balmoral. Elle fait prévenir l’impératrice à Camden Place. Celle-ci s’évanouit. Elle ne s’alimente pas pendant plusieurs jours. Le corps de son fils est rapatrié le 10 juillet. Ses funérailles ont lieu le  12 à Chislehurst, en présence de la reine Victoria, et du prince et de la princesse de Galles. Louis va reposer auprès de son père dans l’église Sainte-Marie jusqu’à ce que sa mère fasse édifier une chapelle à dans l’église Saint-Michel de Farnborough, dans le Hampshire. l’Empereur et le prince impérial reposeront dans la crypte, dans deux tombeaux de granit, en 1888, jusqu’à ce qu’Eugénie les rejoigne trente-deux ans plus tard.

Quant à la reine Victoria, puisque Louis était mort sous l’uniforme anglais, elle avait souhaité lui élever une statue dans l’abbaye de Westminster. Le gouvernement refuse. Furieuse, elle décide alors d’abriter cette statue dans la chapelle Saint  George de Windsor. Financé par une souscription nationale, ce beau gisant de marbre blanc représente Louis les mains jointes sur la poignée de son épée, comme un chevalier du Moyen Age.

Dans cette chapelle, dont la crypte est destinée à recevoir les souverains britanniques, il y a plusieurs monuments funéraires en mémoire des monarques disparus, comme le roi George VI et son épouse, les parents de la reine Elizabeth II. La présence, inattendue, du fils de Napoléon III montre à quel point Victoria voulait honorer ce prince français mort en se battant sous l’uniforme anglais.

 

 

Ressources bibliographiques :

Jean-Claude Lachnitt, Le Prince impérial “Napoléon IV” (Perrin, 1997)

Jean des Cars, Eugénie, la dernière impératrice (Perrin, 2000, Grand Prix de la Fondation Napoléon)

 

 

"Au cœur de l’Histoire" est un podcast Europe 1 Studio

Auteur et présentation : Jean des Cars
Production : Timothée Magot
Réalisation : Jean-François Bussière 
Diffusion et édition : Clémence Olivier et Salomé Journo 
Graphisme : Karelle Villais