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Camille Moreau avec AFP / Crédit photo :
Selon une étude publiée ce mercredi par le Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE), avec la baisse du nombre d'insectes pollinisateurs, les fleurs pourraient évoluer vers l'auto-fécondation. Le déclin des insectes volants est avéré dans de nombreuses régions d'Europe, à cause de l'agriculture intensive, de la pollution et du changement climatique.

La baisse du nombre d'insectes pollinisateurs, comme les abeilles et bourdons, pousse les fleurs à se passer d'eux : un cercle vicieux néfaste pour ces animaux comme pour les cultures, selon une étude parue mercredi. "Pas mal de travaux expérimentaux montrent qu'en l'absence de pollinisateurs, on a une diminution de la taille des fleurs et de leur production de nectar", explique à l'AFP Samson Acoca-Pidolle, doctorant à l'Université de Montpellier.

Rupture de l'interaction avec les pollinisateurs

Mais ce qui est "véritablement novateur, c'est qu'on montre en milieu naturel une évolution des plantes vers une rupture de leur interaction avec les pollinisateurs sur les 30 dernières années", poursuit ce premier auteur de l'étude publiée dans New Phytologist. L'équipe du Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) s'est penchée sur le sort de la pensée des champs (Viola arvensis) et de ses pollinisateurs, sur quatre sites de la région parisienne. Elle s'est appuyée sur une technique d'"écologie de la résurrection", qui consiste à comparer des fleurs contemporaines à celles dont les graines ont été collectées sur les mêmes sites il y a plus de 20 ans et gardées dans des conservatoires botaniques nationaux.

Résultat : dans cette région parisienne où le déclin du nombre de pollinisateurs est marqué, les fleurs actuelles sont 10% plus petites et produisent 20% de moins de nectar que leurs proches ancêtres. Rien d'étonnant, puisque "dès l'instant où le nectar n'est plus utile, s'il n'y a plus de pollinisateurs, ça ne sert à rien d'en produire parce que c'est juste un coût pour la plante", explique Pierre-Olivier Cheptou, directeur de recherche CNRS au CEFE et co-auteur de l'étude. Le déclin des insectes volants est avéré dans de nombreuses régions d'Europe, à cause de l'agriculture intensive, de la pollution et du changement climatique.

"Cul-de-sac évolutif"

L'étude du CEFE indique que ce déclin affecte en un temps record une coévolution de plusieurs millions d'années avec les plantes à fleurs. Car les pensées sauvages de l'étude ne se contentent pas d'économiser leurs forces. Elles les réorientent vers l'auto-fécondation, un phénomène dans lequel "chaque plante se reproduit avec elle-même", poursuit Pierre-Olivier Cheptou. Quelque 80% des plantes à fleurs ont cette capacité et "une grosse partie" pourrait donc "évoluer vers l'auto-fécondation" en l'absence de pollinisateurs, reprend Samson Acoca-Pidolle.

Ce qui serait loin d'être une panacée. D'abord parce que le processus représenterait un "cul-de-sac évolutif, assez irréversible", selon Pierre-Olivier Cheptou, puisqu'avec un patrimoine génétique très homogène, "vous avez moins de possibilités d'adaptation". La deuxième conséquence est plus immédiate et devrait affecter les cultures. Les pensées sauvages sont des plantes messicoles, c'est-à-dire présentes dans les cultures agricoles, comme le colza ou le tournesol. En attirant les pollinisateurs, elles favorisent leur pollinisation.

Le pollinisateur, le grand perdant

Le grand perdant de l'affaire reste le pollinisateur, victime d'un véritable cercle vicieux. Son déclin pousse les plantes à produire moins de nectar et donc à raréfier sa source de nourriture, ce qui menace un peu plus sa survie et amène les plantes à se passer de lui.

Le phénomène est aussi lourd de conséquences pour certaines plantes à fleurs dans des prairies comptant plusieurs espèces. Selon Pierre-Olivier Cheptou, des chercheurs ont observé une "raréfaction des plantes qui sont pollinisées par les insectes, au profit des espèces qui sont plus auto-fécondantes". Le bilan est "assez inquiétant", pour Samson Acoca-Pidolle. Qui s'interroge : "Peut-on revenir à l'état antérieur en arrêtant de mettre la pression sur les pollinisateurs, ou cette interaction avec les fleurs est-elle perdue pour toujours?"