Ce que va changer la réforme du droit d'auteur adoptée par le Parlement européen

Des changements sont à prévoir pour YouTube et les autres plateformes.
Des changements sont à prévoir pour YouTube et les autres plateformes. © Josh Edelson / AFP
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Thibauld Mathieu avec AFP
Après deux ans de débats souvent houleux, les députés européens ont adopté mardi la réforme censée adapter le droit d'auteur au numérique. Et changer pas mal de choses sur Internet.
ON DÉCRYPTE

Pendant deux ans, le texte a déchaîné les passions, entre industries culturelles et médiatiques d'une part, plateformes en ligne et libertaires d'autre part. Mardi, le Parlement européen a adopté, par 348 voix contre 274, la réforme controversée du droit d'auteur. Le texte définitif, censé moderniser une construction juridique datant de 2001, avant même l’apparition de YouTube, bouleverse le paradigme en la matière.

Pour les artistes

Vidéos, photos, chansons… Si aujourd'hui, des millions de contenus sont partagés chaque jour sur les plateformes et les réseaux sociaux, leurs auteurs ne sont pas toujours rétribués pour leur utilisation. Cela ne sera désormais plus le cas, comme le demandaient encore dimanche dans une tribune au JDD quelque 171 artistes français, parmi lesquels le DJ David Guetta, l'actrice-chanteuse Louane ou encore Jean-Jacques Goldman.

Les signataires de ce texte, intitulé "Les bons géants qui devinrent ogres", plaidaient ainsi pour que Google ou Facebook, qui profitent des retombées publicitaires générées par leurs œuvres, les rémunèrent plus justement. Mais tout n'est pas qu'une question d'argent…

Pour les plateformes en ligne

À l'heure actuelle, lorsqu'un internaute publie par exemple une vidéo sur YouTube protégée par le droit d'auteur, lui seul peut être poursuivi légalement, à moins que la plateforme n'ait été avertie à plusieurs reprises du contentieux. Désormais, YouTube, mais aussi Instagram ou Twitter, pour ne citer qu'eux, seront juridiquement tenus responsables de la publication d'une œuvre protégée sur leur réseau, et incitées ainsi à obtenir des licences des ayants droit.

Pour faire le tri, le plus simple pour ces plateformes est d'utiliser des filtres de téléchargement automatiques, comme le fait d'ailleurs déjà YouTube avec Content ID, une technologie de reconnaissance de contenu. Or, les partisans de la liberté sur Internet, particulièrement nombreux en Allemagne notamment, associent ces filtres à une certaine forme de censure. Pour eux, ces algorithmes ne seraient pas capable de faire la différence entre du contenu qui enfreint les droits d'auteur et du contenu qui les respecte. Le blocage automatique de contenus "doit être évité" au maximum, précise cependant la directive européenne.

En outre, toutes les plateformes ne sont pas concernées par ces obligations. Pour l'être, il faut en effet exister depuis plus de trois ans, avoir un chiffre d'affaires supérieur à 10 millions d'euros, et compter plus de cinq millions de visiteurs uniques par mois.

Reste une possibilité pour une plateforme de ne pas être poursuivie : prouver qu'elle a "tout mis en œuvre pour obtenir une autorisation" avec un créateur de contenus.

Pour les utilisateurs

Les utilisateurs ne sont pas directement visés par cette réforme. Mais si vous postez la vidéo d'une petite fille dansant dans un ballet avec de la musique en fond, celle-ci ne sera autorisée que si une licence a été obtenue par la plateforme pour cette musique, car les accords couvrent aussi le contenu généré par les utilisateurs. Et si vous estimez que votre contenu a été retiré à tort, un recours sera toujours possible.

Enfin, contrairement à ce que craignaient certaines associations de défense des libertés sur Internet, le libre-téléchargement et le libre-partage d'œuvres à des "fins de citation, de critique, d'avis, de caricature, de parodie ou de pastiche" sont épargnés. Aucun risque, a priori, de voir disparaître les mèmes (élément culturel reconnaissable répliqué dans un but humoristique) et les GIF (images animées).

Pour les médias

L'article 15 du texte définitif prévoit aussi la création d'un "droit voisin" du droit d'auteur pour la presse. Comme pour les artistes, le but est de faire en sorte que les plateformes rémunèrent mieux les médias (journaux, magazines, agences de presse) pour les articles qu'ils utilisent.

Le simple partage entre internautes d'hyperliens (par exemple le renvoi vers une autre page web grâce à un clic sur un mot dans un article), les "mots isolés" pour les décrire ou "les très courts extraits" d'articles, qui apparaissent sur les moteurs de recherche, agrégateurs d'informations comme Google News ou réseaux sociaux, restent néanmoins libres de toute contrainte de droit d'auteur pour les plateformes. Ces "très courts extraits" d'articles (ou "snippets") n'ont pas été définis par un nombre précis de mots, dans la directive, ce qui laisse une certaine marge d'interprétation, qui dépendra de la transposition dans la législation nationale.

Les éditeurs de presse négocieront avec ces plateformes comment et à quels prix leurs articles, protégés pendant deux ans, pourront être utilisés. Ils pourront aussi renoncer à ce droit.

Par ailleurs, la nouvelle législation européenne accorde davantage de liberté dans l'utilisation de contenus protégés aux établissements d’enseignement, aux instituts de recherche ou encore aux bibliothèques. Pour prendre effet, la directive doit encore être transcrite dans le droit national des États membres dans les deux ans.