Tour de France : Geraint Thomas, de la piste au Tour

Geraint Thomas vainqueur du Tour 2018 (1280x640) Philippe LOPEZ / AFP
Geraint Thomas a remporté dimanche à 31 ans son premier grand Tour. © JEFF PACHOUD / AFP
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Double champion olympique de poursuite en 2008 et 2012, l'ancien pistard a remporté dimanche la plus grande course cycliste au monde, le Tour de France.

Le podium de la poursuite par équipes des Jeux olympiques 2008, à Pékin, remportée par le Royaume-Uni, est désormais entré dans l'histoire du cyclisme. On y voit en effet, côte à côte, deux futurs vainqueurs du Tour de France : Bradley Wiggins (à dr.) et Geraint Thomas (au centre).

Podium JO 2008 (960x640)

Le premier nommé, aujourd'hui âgé de 38 ans, a remporté la Grande Boucle en 2012. Son cadet, 31 ans, l'a imité six ans plus tard, triomphant dimanche sur les Champs-Élysées. L'école de la piste britannique, vantée lors des JO 2012 de Londres disputés à domicile - Thomas y avait décroché un deuxième titre olympique en poursuite, sans Wiggins, sacré en solo sur le contre-la-montre sur route… -, a donc enfanté deux références absolues du cyclisme sur route, via le team Sky, vainqueur avec Wiggins, Froome et désormais Thomas de six des sept derniers Tours de France.

Avant-dernier de son premier Tour. Geraint Thomas, né le 25 mai 1986 à Cardiff, a fréquenté le lycée de Whitchurch, connu pour son excellence en matière de sport et qu'ont fréquenté également le rugbyman Sam Warburton ou le footballeur Gareth Bale. Thomas est devenu cycliste professionnel en 2007, dans l'écurie sud-africaine Barloworld, invitée la même année sur le Tour.

Thomas y prend part, et il en est même le plus jeune participant, à 21 ans, et il s’y classe à… l'avant-dernière place, 140ème sur 141, à 3h46'51" du vainqueur, l'Espagnol Alberto Contador. En 2008, il est rejoint au sein de l'équipe Barloworld par un certain Christopher Froome. Mais comme son célèbre équipier, c'est au sein du team Sky, qu'il rejoint en 2010, que sa carrière va décoller.

Il commence à remporter ses premières épreuves : la course en ligne du championnat de Grande-Bretagne en 2010, le Tour de Bavière en 2011, le prologue du Tour de Romandie 2012… Rien de bien marquant malgré tout. Après une année olympique 2012 consacrée essentiellement à la piste, Thomas est désormais tout entier tourné vers la route en 2013, et même vers les pavés, qui lui ont offert son premier grand succès à vélo.

Un homme du printemps… À même pas 18 ans, Thomas avait en effet remporté en 2004 le Pavé de Roubaix, Paris-Roubaix pour les juniors. Et ce sont les classiques flandriennes qui vont rapidement devenir son terrain de chasse. Il réalise deux places d'honneur sur le Grand Prix E3, à Harelbeke, en Belgique (4ème en 2013 puis 3ème en 2014) avant de l'emporter en 2015. Mais il ne parvient pas à dompter les monuments que sont le Tour des Flandres (8ème en 2014) ou Paris-Roubaix (7ème la même année), un "Enfer du Nord" qu'il termine en 2014 dans le même groupe que… Wiggins, avec lequel il partage grande taille (Thomas culmine à 1,83 m), rouflaquettes et même style un peu dégingandé.

En 2016, Thomas, bien moins loquace et rock n'roll que son aîné, réapparaît dans les classements, mais sur des courses d'une semaine : il remporte une deuxième fois d'affilée le Tour de l'Algarve et surtout Paris-Nice. En 2017, il s'impose sur le Tour des Alpes devant Thibaut Pinot et confirme ses progrès dans la montagne. Enfin, en juin dernier, il franchit encore un cap, en enlevant le Critérium du Dauphiné, habituel tremplin vers le Tour de France, qu'il domine devant son compatriote Adam Yates et Romain Bardet. Le pistard au solide tour de cuisse s'est mué en montagnard au joli coup de rein. "La vraie clé, c'est le poids. Quand je faisais de la piste, j'étais gros. J'étais jeune, pas très sérieux et, comme tout bon Gallois, j'aimais vider des pintes. Ensuite, j'ai fait beaucoup d'efforts pour maigrir", avait confié à L'Équipe le natif de Cardiff.

… devenu l'homme de l'été. Malgré ses succès sur Paris-Nice et le Dauphiné, les suiveurs doutaient encore de la "fiabilité" de Thomas sur une course de trois semaines. Et, pour cause, "G", comme il est surnommé au sein de l'équipe Sky, n'avait pas encore prouvé ses capacités à résister et à exister sur des épreuves aussi longues. Après son avant-dernière place sur le Tour en 2007, Thomas avait en effet aligné les classements anonymes (67ème en 2010, 31ème en 2011, 140ème en 2013 puis 22ème en 2014), il est vrai dans un rôle d'équipier et parfois diminué, comme en 2013, quand il s’était fracturé le bassin dès la 1ère étape avant de rallier malgré tout les Champs-Élysées. Un épisode qui en dit long sur le courage de ce dur au mal, qui, comme le rappelle L'Équipe dimanche, s'était également rompu la rate en 2005 lors d'un accident de vélo.

En 2015, bien que lieutenant de Froome, Thomas était encore 4ème du général du Tour au départ de l'antépénultième étape vers La Toussuire. Mais ce jour-là, il avait totalement craqué, franchissant la ligne d'arrivée avec 22 minutes de retard sur le vainqueur, Vincenzo Nibali. Il finira finalement 15ème à Paris. Il réalisera la même performance, l'année suivante, toujours au soutien de "Froomey".

Car, avant ce Tour 2018 (il était clairement co-leader de la Sky cette année, l'équipe britannique ayant anticipé une possible suspension de Froome après son contrôle anormal sur la dernière Vuelta), Thomas n'aura été leader de la Sky au départ d'un grand Tour qu’à une seule reprise, lors du Giro 2017. Victime d’une chute (encore !) lors de la 9ème étape, il avait fini par abandonner quelques jours plus tard. Il joua également de malchance quelques semaines plus tard, sur le Tour, avec une fracture de la clavicule.

Mais avant ces deux coups du sort, le Gallois avait montré de sacrées dispositions : il avait terminé 3ème de l’étape de l’Etna sur ce Giro 2017, s’installant même à la 2ème place du général, et, sur le Tour, il avait gagné la 1ère étape, un contre-la-montre individuel, portant pendant quatre jours le Maillot jaune. Ses progrès, évidents dès la saison dernière, Thomas les a confirmés avec force et autorité cette année.

L'Alpe d'Huez en point d'orgue. Sur cette Grande Boucle, Thomas n’a commis aucune erreur lors d’une première semaine toujours piégeuse (Froome a lui chuté dès la 1ère étape), a fait valoir son expérience sur les pavés de Roubaix (il avait terminé 16ème de l’étape) avant d'être dominateur dans les Alpes, avec deux victoires, l’une en solitaire, à La Rosière, et la seconde, au sprint, à L’Alpe d’Huez.

Et si la troisième victoire d’étape n’a pas été au bout, samedi, à l’issue du chrono, qu’il a longtemps dominé, il a bouclé la troisième semaine avec la fraîcheur d’un champion et la tête froide, malgré les huées, les sifflets et parfois les coups qui ont accompagné les coureurs Sky sur ce Tour de France.

"Je suis resté dans mon petit monde, dans ma bulle et je ne me suis concentré que sur ça, sur moi-même", a confié Thomas, au discours assez convenu en public, alors que ses proches lui reconnaissent un côté plus jovial en privé. "Je ne lis pas trop de journaux sur le cyclisme. Je ne lis que les articles sur le rugby, et j'essaie de rester dans un monde différent", a ajouté le Gallois. Dans un monde différent, il y est de toute façon déjà un peu chez l’ultra-dominante Sky.