Les reports de matches de Ligue 1 répétés à cause des "gilets jaunes" pèsent sur l'économie du football.   4:07
  • Copié
Juliette Geay, édité par Marthe Ronteix , modifié à
ENQUÊTE - Le mouvement des "gilets jaunes", dont les rassemblements se font essentiellement les samedis, impacte toute l'économie du football français, des clubs aux sponsors en passant par les supporters et les prestataires des soirées VIP.
ENQUÊTE

Alors que la journée de samedi sera marquée par "l'acte 10" de la mobilisation des "gilets jaunes", Europe 1 s'intéresse à une conséquence moins connue du mouvement : les nombreux matches de foot reportés (pour permettre aux forces de l'ordre de se concentrer sur les manifestations). La Ligue 1 en a particulièrement souffert, que ce soit pour les joueurs, les clubs ou les sponsors.

Les clubs doivent repenser leur organisation

Les premiers touchés sont les clubs. Certains ont vu leur préparation chamboulée depuis deux mois. Et c'est encore le cas samedi, puisque le match Bordeaux-Dijon, qui devait se jouer ce soir à 20 heures, aura finalement lieu dimanche. Il s'agit de la cinquième journée de Ligue 1 qui est perturbée. 

Et cela commence à faire beaucoup. "On joue dans un championnat qui n'a ni queue ni tête", se plaint-on du coté de Nîmes. Les matches reportés viennent alourdir le rythme d'une saison déjà intense et on augmente le risque de blessures, de contre performance. Et puis, entre les clubs qui peuvent jouer leurs matches et ceux qui sont reportés, une iniquité s'est installée, déplorent de nombreuses équipes.  

Et c'est toute une logistique à repenser dans la préparation physique, mentale... D'autant que les clubs sont souvent prévenus, au mieux, à deux jours du décalage de leur match. "Il y a une modification du planning demain [dimanche] donc il devait y avoir entraînement, il n'y en aura pas", explique Olivier Delcourt, le président du club de Dijon, au micro d'Europe 1. "Donc on décale un peu les choses, même au niveau des horaires de repas pour pouvoir se caler par rapport au match de 17 heures dimanche".

Des supporters perdent leurs places

Les désagréments ne se limitent pas aux clubs, les supporters sont eux aussi impactés. Des dizaines de milliers de supporters en moins ont ainsi été enregistrés dans tous les stades, depuis le début du mouvement, selon notre estimation. Les matches ont été reportés en milieu de semaine, ce qui a empêché un certain nombre de supporters d'y assister. Par exemple, à Caen, environ 1.000 billets de moins ont été vendus pour le match Caen-Toulouse le 18 décembre. Cela représente des pertes de plusieurs milliers d'euros.

"Pour ceux qui habitent à plus d'une heure de Caen, je comprends que ce soit plus compliqué pour eux de venir", reconnaît Arnaud Tanguy, directeur général adjoint du club. "Je les encourage évidemment à distribuer leurs places mais il n'y a pas de remboursement pour les spectateurs."

Un important enjeu économique pour les sponsors

Quant aux sponsors, eux aussi connaissent des répercussions. C'est plus particulièrement le cas pour les plus petits clubs de Ligue 1, et donc pour leurs les sponsors de moindre envergure. C'est le cas par exemple de la société Davos, sponsor principal du club de Dijon. Pour le match contre le PSG, le patron de l'entreprise avait sorti le grand jeu : il avait invité une centaine de clients pour le match, le 15 décembre dernier.

Dans ces moments-là, c'est l'image de la marque qui est en jeu. On prépare les futurs contrats, on en met plein les yeux... Sauf que le match a été annulé. "On a dû rappeler tous les clients invités à la soirée et leur expliquer que, finalement, le match n'aura pas lieu, qu'on ne sait pas à quel moment il sera reporté...", détaille Jean-Claude Drouot, directeur commercial de Davos.

"Et bien sûr, quand c'est de grosses affiches, ils ne sont pas contents. Ces soirées VIP, elles sont faites pour consolider et développer les relations commerciales qu'on a avec nos clients. Il y a un vrai enjeu économique derrière ces soirées."

Un manque à gagner pour les prestataires

Il y a aussi tous les prestataires qui travaillent autour des matches, comme les traiteurs pour ce genre de soirée VIP. Pour le même match Dijon-PSG, Stéphanie Sempol, gérante de sa petite société, avait commandé 900 repas pour toutes les loges. Au total, c'est 5.000 euros de pertes de nourriture que le club a pris à ses frais ce soir-là. Mais ce qui compte surtout pour la société, ce sont les 20.000 euros de manque à gagner. Une soirée annulée correspond à 20% de son chiffre d'affaires de décembre qui a disparu.

"Ça reste quand même une perte importante puisque j'ai des équipes qui ont travaillé pour rien", explique Stéphanie Sempol. "Et on a refusé un certain nombre de prestations sur cette semaine-là parce qu'on n'avait pas la possibilité de le faire, en plus du match. Or on aurait pu les faire, donc c'est un gros manque à gagner." D'autant plus que cette déconvenue s'est répétée deux semaines. 

Ces entreprises ne remettent pas pour autant en cause les reports des matchs. Ils estiment que la sécurité doit prévaloir. Et personne ne jette la pierre aux "gilets jaunes". Mais le constat est amer et surtout, la récurrence de ces reports commence à user tous les acteurs de l'économie du foot.