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R.Da. , modifié à
Après l'Islande, face à l'Angleterre, le pays de Galles a créé la surprise vendredi en décrochant sa place en demi-finale face à la Belgique (3-1).
INTERVIEW

"N’est-ce pas limiter injurieusement les échecs que de les appeler un jeu ?", interroge Stefan Zweig dans son Joueur d’Échecs. Une question que l’on peut aussi se poser à propos du foot. Simple sport où miroir des relations internationales ? À la fois choc des nations et choc des cultures, exutoire des tensions entre pays et prétexte aux rassemblements nationaux et transnationaux, la compétition de l’Euro semble largement dépasser le seul cadre sportif. Pascal Boniface, géopolitologue à l’Institut de relations internationales et stratégiques, en analyse au micro d’Europe 1 les tenants et les aboutissants.

La finale est dans 8 jours. L’Euro, se sont certes des matches ternes, mais aussi et surtout des rencontres explosives, pleines d’émotions et de surprises, à l’image de la victoire de l’Islande sur l’Angleterre fin juin, ou encore de celle du Pays de Galles sur la Belgique vendredi soir.

"C’est le football des nations. Les résultats ne sont pas acquis à l’avance et chaque compétition […] peut réserver des surprises. Il peut y avoir des tableaux, mais ce n’est jamais vraiment la finale prévue à laquelle on assiste. À chaque instant le petit peut l’emporter sur le grand. L’inattendu qui l’emporte sur celui qu’on attendait, c’est ça qui crée beaucoup d’émotion. Lorsque l'on va assister à un match de football, on a toujours un peu peur et beaucoup d’espoir, car on ne sait pas à l’avance quels vont être les résultats."

L’UEFA a élargi le championnat cette année, conviant huit équipes de plus qu’il y a quatre ans, soit 24 nations au départ de la compétition. De quoi complexifier le jeu ?

"Ça rajoute du piment parce qu’on se retrouve avec des équipes qu’on est pas habitués à voir, comme l’Islande et le Pays de Galles. Ils ont eu leur chance, et ils nous montrent qu’il l’a saisissent ! Lorsque la France a organisé le dernier championnat d’Europe des Nations, en 1984, il n’y avait que huit équipes qui participaient… on voit bien le changement. […] Avec 24 équipes on a une grande variété de couleurs, de maillots, de profiles, et donc un beau lot de surprises."

Et donc des situations et des comportement inattendus ? Par exemple, la demande de maillots islandais explose en Ecosse, visiblement ravie de l’éviction des Anglais.

"Le but des Écossais, c’est toujours de voir les Anglais perdre. Le premier match international de l’histoire c’était un Angleterre-Ecosse. Il est parfois question de fusionner les équipes écossaises, galloises et anglaises pour améliorer les résultats, parce qu’ils ne brillent pas généralement dans les compétitions, sauf si la coupe du monde est organisée à domicile, mais c’est impossible. L’identité de ces quatre équipes est trop forte pour que l’on puisse les fusionner."

Mais statistiquement, c’est généralement la grande équipe qui finit par gagner… trois fois l’Espagne, trois fois l’Allemagne, deux fois la France…

Mais les exceptions existent, on pourrait rappeler la Grèce en 2004, le Danemark en 1992. […] Il y a toujours l’équipe qu’on n’attend pas en fin de compétition. En 1992, le Danemark n’était même pas qualifié, ils ont dû leur place qu’à la suspension, pour des raisons géopolitiques, de la Yougoslavie en pleine guerre. Arrivés au dernier moment, ils ont remporté la compétition à la surprise générale.

Le foot est aussi l’exutoire d’une certaine violence. "Honte", "risée", "le jour le plus sombre"… les joueurs anglais ont chèrement payé leur défaite dans la presse.

"La presse britannique est toujours très sévère avec son équipe et les clubs. Elle les célèbre lorsqu’ils gagnent, ce qui n’arrive pas très souvent, mais elles se déchaîne quand ils perdent. C’est une sorte d’exutoire. Mais on sait très bien qu’en sport la roche tarpéienne est près du Capitole, on brûle très vite ce que l’on a adoré !"

Pourquoi, même lorsque l’on est pas fan, on se laisse aussi facilement entraîner par l’engouement populaire lors des grandes compétitions ?

"Regardez l’émotion dans les rues de Paris. On a vu des milliers de personnes avec le maillot de leur équipe nationale, des gens qui ont célébré, qui ont commémoré… C’est un sport collectif, facile à comprendre et puis, contrairement au basket ou au volley-ball, les buts sont rares ce qui crée une véritable tension."

Si la France perd dimanche, il y aura toujours de la sympathie pour les Islandais ?

"Oui je pense, même si on va conjurer le sort ! Il y aura une très grande sympathie pour le courage, la singularité des supporters islandais. Vous avez quand même 10% du pays qui est venu suivre les matches !"