EDITO - Agressions sexuelles dans le sport : "Les sportives qui témoignent ont montré le chemin, suivons-les !"

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Virginie Phulpin, édité par Séverine Mermilliod
Le journal "L'Equipe" a sorti mercredi une grande enquête consacrée aux violences sexuelles dans le milieu du sport. La parole se libère, et pour notre journaliste sportive Virginie Phulpin, les mots des sportives qui témoignent doivent être suivis d'actions, notamment de la part du ministère des Sports.

>> La parole se libère chez les sportives. L’enquête de L’Equipe mercredi, les confessions de la patineuse Sarah Abitbol dans L’Obs jeudi matin : elles osent parler des agressions sexuelles subies dans le cadre du sport. Pour la chroniqueuse sport d'Europe 1 Virginie Phulpin, le courage de ces sportives ne doit pas être vain et on doit maintenant passer aux actes. 

"On leur doit bien ça. D'abord, elles doivent se sentir soutenues, ces sportives. Ce qui les ronge, c’est la honte, la peur et la solitude. Ces sentiments qui vous font vous terrer dans le silence pendant des années, à ne vivre qu’à moitié. Un si long silence, c’est d’ailleurs le titre du livre de Sarah Abitbol. L’ancienne championne de patinage s’est tue pendant 30 ans. Et maintenant, elle ose parler.

Briser un schéma

Vous imaginez le courage que cela demande, de mettre au jour ces blessures-là ? Alors écoutons-la, écoutons-les. C’est notre devoir à nous, pour que leur héroïsme, oui, on peut appeler ça comme ça, soit suivi d’effets. Ce ne sont plus elles qui doivent se sentir coupables, plus elles qui doivent vivre dans la peur. Elles sont victimes, pas coupables. Cela paraît évident de dire ça, mais les reconnaître comme victimes, c’est déjà le premier pas d’un long chemin.

Toutes les agressions sexuelles relatées ces derniers jours dans le monde du sport suivent le même schéma. C’était déjà le cas dans l’enquête de Disclose dont on avait parlé en décembre. A chaque fois, on a affaire à un entraîneur qui a une emprise sur les jeunes sportifs et sur leur entourage, qui profite de sa situation de quasi gourou pour commettre l’irréparable, et qui est souvent couvert pendant des années par le club ou les instances. C’est ce schéma-là qu’on doit briser aujourd'hui pour que les témoignages douloureux des victimes ne soient pas vains. 

La ministre des Sports va devoir faire du ménage

La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, va d’ailleurs convoquer le président de la Fédération française des sports de glace. Didier Gailhaguet va devoir s’expliquer. C’est un minimum. Pourquoi est-ce qu’un entraîneur accusé d’agressions sexuelles a été maintenu en poste en club pendant des années, malgré les recommandations du ministère ? Roxana Maracineanu exige des réponses.

Alors on va attendre de voir ce que le président a à dire, bien sûr. Mais la ministre des Sports va devoir faire un peu de ménage. Les fédérations sportives reçoivent des subventions publiques. Si le ministère veut frapper un grand coup, il peut aller jusqu'à retirer à la fédération des sports de glace la délégation de l’Etat (c’est-à-dire lui retirer le pouvoir d’organiser la pratique du patinage). Roxana Maracineanu a évoqué cette possibilité. Et oui, je pense qu’il faut y aller, pour reconstruire sur des bases saines.

La ministre montre qu’elle a une volonté d’agir. Tant mieux, parce que ses prédécesseurs n’ont pas tous fait preuve de beaucoup de courage. Une cellule dédiée aux violences sexuelles dans le sport a été créée au ministère il y a quelques semaines. Et il y a des appels, quotidiennement, preuve que la parole se libère. Les sportives qui témoignent en ce moment ont montré le chemin. Suivons-les !"