De Guingamp à la «3F», de l'ascension au déclin, retour sur la carrière de Noël Le Graët

Noël Le Graët est visé par un audit diligenté par le ministère des Sports
Noël Le Graët est visé par un audit diligenté par le ministère des Sports © AFP
  • Copié
avec AFP
De ses débuts à la tête de l'En-Avant Guingamp en 1972 à sa mise en retrait de la présidence de la Fédération française (FFF) mercredi, Noël Le Graët a connu une longue carrière de dirigeant dans le football français marquée par ascension .

Industriel dans l'agroalimentaire, Noël Le Graët débarque dans le monde du football en 1972 lorsqu'il devient président de l'En-Avant Guingamp (EAG), parvenant à faire monter le club des Côtes-d'Armor, d'où il est originaire, du niveau régional à la Ligue 2. Près de 20 ans plus tard, le Breton est bien implanté dans le paysage du sport le plus populaire de France et accède en 1991 à la présidence de la Ligue nationale (LNF), ancêtre de la LFP, où il reste neuf ans et acquiert une réputation de président à poigne.

Le Graët procède d'abord à un toilettage de la gestion des clubs en instaurant la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), l'instance chargée de surveiller la santé financière des clubs français. Surtout, l'ancien maire de Guingamp (1995-2008) forge son image en s'opposant à Bernard Tapie, alors président de l'Olympique de Marseille. Poussée par Le Graët, la Ligue va "porter plainte contre X pour que toute la lumière soit faite" dans l'affaire du match truqué Valenciennes - OM en 1993.

Duel avec Tapie

Cette affaire fait scandale et aboutit à la relégation de l'OM en deuxième division à l'issue de la saison 1993/94. Surtout, un duel personnel s'engage avec Tapie. "J'estime que M. Le Graët mène depuis le début une guerre qui n'a rien à voir avec le football. Par conséquent, je vais le combattre personnellement", annonce Tapie.

Mais c'est bien le président de la LNF qui en sort vainqueur et affirme son autorité sur le football français, lorsque Tapie est interdit d'exercer toute fonction dans un club. Fort de cette expérience, Le Graët devient vice-président de la Fédération française de football (FFF) en 2005, cinq ans après avoir quitté la Ligue. C'est dans l'antichambre de la présidence qu'il signe un de ses plus beaux coups : un accord juteux avec l'équipementier américain Nike.

"Le plus beau contrat du monde", se félicite à l'époque "NLG", pour une somme record de 42 millions d'euros annuels, ce qui fait de l'équipe de France la sélection nationale la mieux rémunérée à l'époque. Par cette opération, il démontre son sens des affaires, entame un redressement des finances spectaculaire et s'offre un argument de choix pour accéder à l'une des fonctions les plus hautes du sport français : président de la "3F".

Président de la Fédération en 2011

Il y parvient en 2011, mais le football français est en crise, un an après le fiasco de Knysna lors du Mondial en Afrique du Sud. Le "Prez", comme il est désormais surnommé, permet à la FFF de s'enrichir en reprenant notamment le contrôle des droits marketing liés aux Bleus, véritable poule aux oeufs d'or.

Mais il doit désormais restaurer l'image des Bleus auprès des sponsors. En 2012, après un passage infructueux de Laurent Blanc comme sélectionneur, Le Graët choisit Didier Deschamps, le début d'un tandem long de plus de dix ans. C'est un autre coup gagnant : l'équipe de "DD" atteint la finale de l'Euro-2016 en France (défaite contre le Portugal), puis remporte le trophée suprême : la Coupe du monde 2018, en Russie. Deschamps est félicité et Le Graët conforté.

 

Polémiques et crépuscule

Après le sommet de 2018 s'amorce le déclin. Le "Menhir" perd de son habileté de communicant en ratant certaines sorties médiatiques. Il appelle d'abord à ne plus arrêter les matches en cas de chants homophobes, estimant que "ce n'est pas la même chose" que le racisme, en 2019, puis affirme que le racisme "n'existe pas ou peu" dans le football l'année d'après. En 2021, il provoque une nouvelle polémique en déclarant à propos des tensions entre la sélectionneuse des Bleues Corinne Diacre et ses joueuses: "Aucun match perdu (depuis le Mondial-2019, ndlr), donc elles peuvent se tirer les cheveux, ça m'est égal."

Son troisième mandat complet à la tête de la FFF est en plus secoué par une affaire: d'anciennes salariées l'accusent par des témoignages, tous anonymes, de comportements sexistes et de gestes déplacés. Le ministère des Sports lance alors un audit. Les Bleus retournent en finale du Mondial en 2022 mais Le Graët ne profite pas de l'élan en décidant seul de la prolongation de Deschamps jusqu'en 2026 puis en déclenchant l'indignation après des propos discourtois à l'égard de Zinédine Zidane.

Dans la foulée, l'agente Sonia Souid dénonce son comportement sexiste. "Il m'a dit en tête à tête, dans son appartement, très clairement, que si je voulais qu'il m'aide (à promouvoir le football féminin), il fallait passer à la casserole", affirme-t-elle.