"Il y a un impact financier important" : les agents de footballeurs pénalisés par le coronavirus

Face à la crise sanitaire, les agents sont pour l'heure dans le flou absolu.
Face à la crise sanitaire, les agents sont pour l'heure dans le flou absolu. © AFP
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Julien Froment , modifié à
C’est l’une des nombreuses conséquences de l’arrêt des compétitions de football, qu’il soit définitif ou provisoire, en Europe : le métier d’agent sportif est en grande difficulté. Difficile d'exercer correctement sans rendez-vous physiques. Et les finances des agents s'en ressentent.

"C’est une facette, après 20 ans de métier et 40 mercatos, que je ne connaissais pas." Yvan Le Mée est un agent très bien implanté dans le milieu du foot français. Avec son agence, Sport Profile consulting, il gère les carrières de joueurs comme Ferland Mendy, défenseur du Real Madrid et de l’équipe de France, ou encore le Lyonnais Matin Terrier. Avec le coronavirus et le confinement, ses méthodes de travail ont quelques peu changé, notamment pour gérer les transferts. "Les dirigeants, quand on n’arrive pas à trouver un accord pour un transfert, il y a un moment où il faut se voir, il y a un moment où le téléphone ne suffit plus, où Skype ne suffit plus", explique-t-il à Europe 1. "Il faut se rencontrer physiquement. C’est vrai qu’aujourd’hui, on est dans l’impossibilité de le faire, donc on travaille via Skype, via WhatsApp. Mais c’est assez difficile de faire pencher la balance du bon côté. Lors d’un rendez-vous, face à face, il est plus facile de dire les choses et de s’imposer."

Agents de joueurs, une PME comme les autres en danger

L'arrêt des championnats (celui de la Ligue 1 a été acté cette semaine), l'économie des clubs dans le rouge, l'incertitude autour du marché des transferts... sont autant de problèmes pour les agents de joueurs. "On travaille à notre compte, cela veut dire  qu’il y a un impact financier important, sachant qu’on a parfois des salariés, des scouts (des dénicheurs de talents, en régions, ou à l’étranger, ndlr), des secrétaires... donc on est un peu confrontés aux problèmes que rencontrent toutes les PME", analyse pour Europe 1 Bruno Satin, agent depuis 1988. 

Il concède ne "jamais avoir vécu une situation comme celle-là dans sa carrière". "Surtout que nous, vis-à-vis des échéances, des affaires (des transferts, ndlr) qui ont déjà été réalisées, mais qui sont payées de façon échelonné, on se doute qu’on sera les derniers payés. C’est une réalité. Parmi les créanciers, on ne sera pas prioritaires malheureusement."

 

Bruno Satin, tout comme Yvan Le Mée, grâce à leur expérience et leur ancienneté dans le métier, sont certes touchés par la situation, mais ils ont les reins assez solides pour tenir plusieurs mois et traverser la tempête. En revanche, ils s’inquiètent pour les débutants. "Il y a environ 300 agents licenciés. Une vingtaine de compagnies qui fonctionnent bien mais le reste est en grande difficulté, car on a beaucoup de coûts financiers, de déplacements, trains, hôtels, etc…", relate Le Mée. "Très peu de gens vivent bien de cette activité-là, contrairement aux fantasmes autour du métier d’agent. Je pense qu’il va y en avoir beaucoup en difficulté. En tout cas, ce n’est pas l’été et le mercato pour se lancer…"

La "pagaille" des dates du mercato, le "tarif Covid-19"

Reste à savoir quand aura lieu le mercato estival. Chaque pays choisit ses dates de début et de fin. La France semble vouloir ne rien changer en gardant l’ouverture du marché des transferts le 1er juin et sa clôture le 1er septembre. Mais quid des autres pays, qui termineront peut-être leurs championnats en décalé par rapport à la France ? "C’est fort probable que le marché des transferts reste ouvert un peu plus que d’habitude, c’est-à-dire au-delà du 1er septembre, ça permettra de faire des transactions après les dates habituelles", avance Bruno Satin. "On navigue à vue", regrette Yvan Le Mée. "Il y a une vraie pagaille, une vraie panique, on est un peu dans la négation au niveau des affaires, c’est compliqué."

En revanche, les deux agents s’accordent sur une chose : "Le marché va être très calme, il va y avoir beaucoup de prêts, des échanges de joueurs qui impliqueraient moins de flux d’argent. Et puis peut-être que certains clubs essayeront d’être plus raisonnables."

Autre problème soulevé par Bruno Satin : l’arrêt des compétitions depuis mars. "C’est ce qui est le plus pénalisant, car les décisions sur les transferts ou les recrutements se font souvent sur les impressions des trois derniers mois de compétition, dans le  'money-time'." Les agents craignent enfin le "tarif Covid". Avec la crise sanitaire, certaines transactions risquent de se faire à un coût en dessous du marché. Ce qui signifie un salaire plus bas pour les joueurs et des rétributions plus faibles pour les agents.