Pourquoi les Bleus sont-ils si ennuyeux ?

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EQUIPE DE FRANCE - Après le match nul contre la Belgique (0-0), le fond de jeu est toujours plat. 

La France a enchaîné son 17e match sans défaite, mardi soir contre la Belgique (0-0). Et après ? Les matches se suivent et se ressemblent. Les Bleus marquent rarement, créent très peu de jeu et à l’arrivée, le spectacle est souvent ennuyeux. A chaque match, la presse dégaine la même rengaine. "Les Bleus sans flamme", titre L’Equipe, "ces Bleus n’emballent personne", préfère le Parisien

Les Bleus ne séduisent pas

Si vous n’avez pas regardé le match mardi soir, autant vous le dire tout de suite, vous n’avez rien manqué. Rien si ce n’est la grosse bronca de fin de match. Difficile de faire taire les 53.000 spectateurs présents au Stade de France et difficile, surtout, de contredire leur colère et leur ennui. "Grâce à sa bonne organisation défensive, Laurent Blanc ne perd pas avec les Bleus. Mais en équipe de France, il faut faire davantage, il faut séduire", analyse Guy Roux, consultant pour Europe 1. 

Mais à trop vouloir ne pas prendre de buts, l’équipe de France oublie d’en mettre. Le stratège auxerrois, qui a passé plus de 50 ans sur un banc de foot, a sa petite explication sur la question : "il existe un fait nouveau dans le foot moderne, à savoir l’apparition des deux milieux défensifs. Si vous rajoutez les quatre joueurs derrière, un milieu qui joue bas et les deux ailiers à qui on demande de faire un effort sur le repli défensif, vous avez 9 joueurs à vocation défensive". La preuve sur le terrain : mardi soir, Karim Benzema a touché très peu de ballons. Et même si la "Benz" est en forme en ce moment, ce n’est pas forcément évident de planter quatre buts par match avec trois ballons à négocier… 

"La plaie de Knysna n’est pas refermée"

Chérif Ghemmour est journaliste pour le magazine So Foot. Lui aussi s’est "ennuyé ferme" mardi soir devant sa télé. "On a connu le caviar avec France 98, un doublé Coupe du monde-Euro. Forcément, il y a un état de manque après de tels succès". Habitué aux matches moribonds des Bleus, il met en cause la génération actuelle : "il va falloir se rendre compte un jour que nous n’avons pas les mêmes joueurs qu’avant. Aujourd’hui, seuls Ribéry, Evra et Abidal sont titulaires indiscutables dans des grands championnats européens. Même Benzema et Nasri doivent faire face à la concurrence. En 1998, tous les joueurs étaient des tauliers dans les plus grands clubs d’Europe". 

Benzema

Le bilan des matches amicaux est plutôt mauvais : une courte victoire (1-0) contre les Etats-Unis vendredi dernier, un match nul (0-0) contre la Belgique et beaucoup d’ennui. "Il y a aussi une réalité à ne pas perdre de vue, les clubs priment sur l’équipe nationale", avance Chérif Ghemmour. Et d’ajouter : "quand Nasri joue le mercredi en équipe de France un match amical et le samedi à Manchester City un choc contre Liverpool, il va faire un choix". 

Si Franck Ribéry a essayé de se bouger un peu sur son couloir gauche mardi soir, toujours rien à voir avec le "Kaiser Franck" qui joue tous les week-ends à Munich. "Quand les mecs jouent au Stade de France, ils se font sifflé en permanence", constate Chérif Ghemmour. "Les enquêtes d’opinion continuent d’être mauvaises pour les Bleus. Les joueurs le savent et ils paraissent parfois pétrifiés sur le terrain. Le traumatisme est moins fort qu’avant mais la plaie de Knysna n’est toujours pas refermée". 

Le public trop gourmand ? 

Comment faire alors pour sortir de l’ennui ? Comment faire pour faire vibrer à nouveau le public qui n’attend que ça ? "Pour exorciser Knysna, il faut au moins passer le premier tour de l’Euro", avance Chérif Ghemmour. Pas facile facile pour la France, présente dans le chapeau 4 et qui tombera forcément sur des gros morceaux. 

Avec une génération moins brillante que la précédente, le problème peut aussi se poser à l’envers. Est-ce que le public n’attend pas trop de cette équipe de France ? Laurent Blanc ne s’en est jamais caché et l’a répété récemment : "si j'avais une très bonne équipe, cela ne me dérangerait pas de dire : "on va essayer de gagner l'Euro'". Pessimiste ou lucide, le sélectionneur ne cesse de marteler le même message : "l’équipe de France est en reconstruction". Espérons seulement que l’ennui n’en soit qu’une étape.