Natation : les Mondiaux faussés par des courants ?

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Des turbines auraient créé un courant à même d’avantager des lignes d’eau par rapport à d’autres, selon Le Monde.

Voilà une information qui risque de créer des remous dans le petit monde de la natation mondiale. Alors que les championnats du monde de Barcelone viennent de s’achever, c’est l’ensemble des résultats de la compétition qui pourraient être remis en cause. Car selon Le Monde, un courant circulaire s’étendant sur toute la largeur du bassin pourrait avoir favorisé certaines lignes d’eau par rapport à d’autres, faisant ainsi gagner de précieux centièmes à certains nageurs. Ce courant concernerait surtout les lignes extérieures, la numéro 1 et la numéro 8. L’influence du tourbillon réduirait progressivement en s’approchant du milieu de la piscine et donc des lignes d’eau centrales.

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Les chiffres sèment le trouble. Le quotidien cite l’exemple de la finale du 1.5000 mètres dames, disputée le mardi 30 juillet. A la ligne d’eau numéro un,  l’Américaine Chloé Sutton (photo) a nagé ses longueurs aller en 32’’093 en moyenne et ses retours en 32’’544. Placée de l’autre côté du bassin, la Chinoise Xu Danlu a inversement nagé ses allers en 32’’252 de moyenne et ses retours en 31’’777. Une différence notable d’une demi-seconde pour les deux nageuses, mais pas dans le même sens de nage. Selon Le Monde, la même incongruité chronométrique se retrouve dans les finales du 1.500 mètres messieurs, et des deux 800 mètres, masculin et féminin.

Le problème des 50 mètres. Pas grave, pourront arguer certains, puisque avantages et handicaps s’annulent sur plusieurs longueurs, et à la fin, c’est quand même le meilleur qui gagne. Mais cet argument n’est pas valable pour le 50 mètres, épreuve dans laquelle les nageurs n’ont qu’une longueur de bassin à traverser. Et là encore, les chiffres sont plus qu’étranges. 

Ainsi, sur les huit finales disputées sur la distance (quatre spécialités par sexe : brasse, dos, brasse, nage libre), à six reprises le nageur parti à la ligne d’eau numéro un s’est classé dernier, dont Florent Manaudou sur le papillon et Frédérick Bousquet en crawl. Les deux autres malheureux ont eux terminé… avant-derniers. Normal, diront certains, puisque les moins bons nageurs sont relégués, pour des questions de spectacle, sur les lignes extérieures, laissant les meilleurs en découdre sur les lignes centrales. Un coup d’œil aux résultats des nageurs partis de la ligne d’eau numéro 8 fait voler en éclat cet argument. Sur les huit finales disputées, le ou la nageuse partant de cette ligne bénie des dieux a accroché le podium à quatre reprises. Pour autant de surprises.

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Le staff français monte au créneau. C’est semble-t-il l’encadrement français qui a levé le lièvre le premier. Dimanche à la mi-journée, à l’issue d’une conférence de presse, Lionel Horter, directeur technique national (DTN), et Romain Barnier, entraîneur à Marseille, interpellent Cornel Marculescu, directeur exécutif de la Fédération internationale de natation (Fina). "Tout ce qu'on vous demande c'est d'arrêter les turbines pendant les finales cet après-midi", demande le DTN français à son interlocuteur, qui se montre sceptique. "Vous mettez sur la table un problème énorme en vous basant sur des spéculations autour des chiffres", s’agace même le dirigeant de la Fina interrogé par Le Monde.

"Pour nous, c’est un mystère." Malgré ses dénégations officielles, la gêne était palpable du côté de Myrtha Pools, l'entreprise qui a fourni et gère la maintenance du bassin. "On ne sait pas ce qu'il y a, on n'avait jamais rencontré ce phénomène auparavant", assure ainsi Trevor Tiffany, le président de la société, interrogé par Le Monde. "On a fait des tests, avant et pendant les Mondiaux, et on n'a aucune preuve qu'il y a du courant dans le bassin, à part les chiffres. Cela n'a aucun sens pour nous, c'est un mystère", admet-il. "Au sujet du 50 mètres, c'est difficile de contester, mais pour tout ce qu'il y a au-dessus de 50 mètres, tout le monde est à égalité. Le 50 mètres est le problème principal", reconnaît-il enfin.

D’autres nations au courant ? Pour l’heure, la polémique n’est que naissante. Mais selon des responsables français cités par le Monde, d’autres nations ont remarqué le phénomène, et pas des moindres. "Les Américains aussi ont constaté qu'il y avait quelque chose", a ainsi glissé Francis Luyce, président de la Fédération française de natation, au quotidien du soir. Et si les Américains s’en mêlent, le scandale pourrait être d’une autre ampleur.