"Il est temps d'arrêter de dérouler le tapis rouge aux agresseurs" : l'Assemblée a approuvé jeudi la création d'une commission d'enquête sur les "abus et violences" dans le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité, donnant corps à une demande de l'actrice Judith Godrèche. Les députés ont adopté à l'unanimité la proposition de résolution initiée par l'écologiste Francesca Pasquini, sous les yeux de Judith Godrèche, présente dans les tribunes.
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Agée de 52 ans, celle-ci est devenue l'une des figures de proue de la lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs depuis qu'elle a porté plainte contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour des violences sexuelles et physiques remontant à son adolescence.
La réaction de Judith Godrèche au vote des députés
Une enquête préliminaire a été ouverte à Paris contre les deux réalisateurs, qui ont réfuté par la voix de leurs avocats respectifs les accusations lancées contre eux. "Il faut que cette commission soit menée à bien. C'était extrêmement émouvant d'entendre ces mots dans un lieu où on fait les lois, alors qu'il y a une absence de la loi sur les tournages", a réagi Judith Godrèche auprès de l'AFP après le vote des députés.
L'actrice avait fait forte impression en février, en interpellant le monde du cinéma lors de la cérémonie des César : "je parle, mais je ne vous entends pas", avait-elle déclaré, rêvant d'une "révolution" en pleine vague de libération de la parole dans le cinéma français. Elle a poursuivi son combat en demandant, d'abord au Sénat puis à l'Assemblée, la création d'une commission d'enquête, prenant exemple sur celle qui a travaillé au Palais Bourbon sur le monde du sport. "Allons-nous garder le silence ? Moi, je compte sur vous, je compte sur vous pour protéger les enfants, ne plus les livrer au cinéma sans aucune protection", avait-elle lancé aux députés.
Les objectifs de la commission d'enquête
La commission d'enquête devra "évaluer la situation des mineurs évoluant au sein des secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité", mais aussi des majeurs, après que la Commission des affaires culturelles a étendu le champ d'investigation envisagé. Elle devra "identifier les mécanismes et les défaillances qui permettent ces éventuels abus et violences", "établir les responsabilités de chaque acteur en la matière", et "émettre des recommandations sur les réponses à apporter".
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Francesca Pasquini a salué le vote de ses homologues, disant avoir hâte que la commission se mette au travail et "pass(e) à l'action". "Il est temps d'arrêter de dérouler le tapis rouge aux agresseurs", a-t-elle dit. "Chère Judith, si les autres ne vous ont pas entendue, nous vous avons entendue, nous députés. Alors aujourd'hui, nous allons faire mieux que vous écouter. Nous allons agir parce qu'il y a urgence", a de son côté affirmé la députée Perrine Goulet (MoDem), présidente de la Délégation aux droits des enfants.
Des premières conclusions attendues dans six mois
La commission d'enquête doit être formée le 13 mai, et commencer ses auditions le 20 mai, selon Francesca Pasquini. Elle devrait rendre ses conclusions dans six mois. Sa création intervient au lendemain de la parution d'un livre de l'actrice Isild Le Besco, où elle revient longuement sur sa relation avec Benoît Jacquot, entamée quand elle avait 16 ans. Si elle l'accuse de l'avoir violée, elle affirme ne pas être prête à porter plainte contre lui.
Francesca Pasquini a rappelé dans son intervention l'ampleur des violences sexuelles, avec 160.000 mineurs victimes tous les ans selon l'estimation de la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants), et 84.000 femmes, selon le ministère de l'Intérieur. "Les mécanismes de prédation, d'isolement et d'omerta sont les mêmes partout, mais ils semblent s'épanouir d'autant plus dans (les) industries (du cinéma, de l'audiovisuel, de la publicité, de la mode et du spectacle vivant) qui fonctionnent en vase clos, comme une grande famille", a-t-elle souligné.
Lors de débats dans l'ensemble consensuels, le président de la République Emmanuel Macron a reçu des coups de griffe en provenance de la gauche, Sophie Taillé-Polian (EELV) et Clémentine Autain (LFI) qui ont rappelé son soutien à l'acteur Gérard Depardieu, qui sera jugé en octobre pour agressions sexuelles.