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Virginie Riva, édité par Maxime Dewilder , modifié à
Emmanuel Macron se déplace à Amiens jeudi pour, ville qui incarne ponctuellement la capitale européenne de la jeunesse. Un déplacement qui intervient plus d'une dizaine de jours après l'immolation par le feu d'un étudiant à Lyon, l'événement dramatique a mis en lumière le sort des étudiants et leur précarité.
ENQUÊTE EUROPE 1

Amiens, capitale européenne de la jeunesse, accueille jeudi Emmanuel Macron. Ce déplacement se déroule alors qu'il y a une dizaine de jours, un étudiant s'immolait par le feu à Lyon. Il a fallu cet événement dramatique pour mettre en lumière la condition étudiante en France. Pas moins de huit ministres accompagneront le président, témoignant de la diversité de la dizaine d'étapes de cette visite marathon qui débutera par l'inauguration du nouveau pôle universitaire de la Citadelle, aménagé par le célèbre architecte Renzo Piano. Le président y dialoguera avec des étudiants, sur fond de protestation dans plusieurs facs après l'acte désespéré de Lyon. Dans la soirée, Emmanuel Macron s'adressera aux jeunes pour lancer les festivités d'"Amiens, capitale européenne de la jeunesse 2020".

"Il s’agira d’un moment de fierté pour l’université et la ville. À Amiens, ce sera pour moi le début d’une nouvelle séquence, pour rebâtir une nouvelle ambition pour notre enseignement supérieur et notre recherche. J’ai demandé au gouvernement la préparation d’une loi de programmation. J’aurai l’occasion d’en reparler lors des 80 ans du CNRS la semaine prochaine", a déclaré le président dans une interview au Courrier Picard.

"Ça pèse sur mon travail personnel"

Europe 1 a rencontré deux étudiantes en deuxième année de sciences sociales à l'université parisienne de Tolbiac pour faire le comparatif. L'une doit travailler pour financer ses études tandis que l'autre n'en a pas besoin. Blanche, 19 ans, peine à se lever certains matins. Il faut dire que le petit boulot qu'elle fait à côté de ses études la pousse à se coucher tard : "C’est vrai que ce matin, je ne me suis pas levée. Je me suis dit 'allez c’est bon, c’est un TD de langue tant pis, je dors comme ça, je suis en forme'."

Elle travaille quatre soirs par semaine à raison de quatre heures par soirée pour faire la fermeture d'une salle de sports, sauf qu'en général "à la fermeture, les clients traînent donc je finis un peu plus tard". La conséquence directe ? "Ça pèse sur mon travail personnel, les devoirs que j'ai à faire. Je n'ai pas le temps et dès que j'ai un peu de temps, une heure ou deux chez moi, je n'ai pas envie de travailler". Le problème est que si elle ne donnait pas de son temps à la salle de sports, elle ne pourrait pas payer ses études.

Comme Blanche, 46% des étudiants travaillent pour financer leurs études. Grâce à son job, Blanche touche à peu près 600 euros par mois. A cela s'ajoute ses bourses pour un total de 650 euros. Son loyer, pour un 20m² en colocation, lui coûte plus de la moitié. Et une fois payées ses factures, il lui reste assez peu pour vivre.

Des disparités énormes...

"Je donne 100 euros à ma mère parce qu’on est 4 enfants donc je l’aide un peu. Il me reste 200 euros mais en général je ne finis pas le mois, je ne saurais même pas vous dire où part mon argent. Je sors mais financièrement je me restreins. Y a des soirs où j’ai envie de sortir, de voir telle ou telle personne mais je me dis qu’à Paris, c’est cher, le café va me coûter 5 euros et c’est beaucoup 5 euros. Avec 5 euros, je peux manger un soir en fin de mois quand c’est la galère", détaille Blanche.

Autre profil croisé sur le campus : Clara. Elle, par rapport à Blanche, fait "juste" des petits boulots d'agrément, du baby-sitting, ce qui lui rapporte 400 euros par mois. Ses parents lui donnent aussi de l'argent et elle vit chez eux. Donc pas de loyer à payer : c'est ça qui grève le budget. Et voilà ce qu'elle dit quand elle entend la vie de Blanche : "Je pense que tout le monde ne peut pas faire ça. Elle est très courageuse de travailler à côté des études. Je ne sais pas si j’aurais le courage de faire tout ça".

... entre des étudiants peu mobilisés

Clara détaille aussi sa réalité d'étudiante, et ça n'a rien à voir avec Blanche : " C’est vrai que j’ai des conditions favorables. Je sors, je vais au restaurant, dans des bars. J'ai beaucoup de libertés, j’ai du temps libre aussi, c’est assez confortable. Je vis bien, je sais que mes parents sont là derrière moi".

Deux situations totalement différentes, à l'image des chiffres nationaux. C'est d'ailleurs ces disparités qui expliquent aussi la faible mobilisation étudiante. Ceux qui travaillent et sont précaires n'ont pas le temps d'aller aux assemblées générales et ceux qui sont confortables... ne se sentent pas concernés.