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Romane Hocquet, édité par Laetitia Drevet , modifié à
ENQUÊTE - De plus en plus engagés pour le climat, des étudiants s'indignent en ce moment de l'implantation d'entreprises polluantes au cœur de leurs universités. C'est le cas à Polytechnique, où Total a prévu d'installer un centre de recherche. Les élèves redoutent le lobbying à venir du groupe pétrolier. 
ENQUÊTE

Les entreprises polluantes ne sont plus les bienvenues au sein des universités. Une véritable mobilisation éclot en ce moment dans les établissements les plus prestigieux de France, à l'initiative d'étudiants qui rechignent de plus en plus à les rejoindre, une fois leur diplôme en poche. A Polytechnique par exemple, une grande partie d'entres eux s’opposent farouchement au projet du groupe pétrolier Total d'installer un centre de recherche sur le campus de l'école.

L'entreprise parle d'un centre de recherches sur les énergies propres, mais les étudiants, eux, ne décolèrent pas. 61% d'entre eux ont voté contre ce projet, une révolution dans cette école où les élèves sont sous statut militaire. Soumis par ailleurs à un devoir de réserve, parler aux médias peut leur coûter leur diplôme. Europe 1 a tout de même pu interroger l’un d’entre eux, à condition de modifier sa voix. "Comment c'est possible que ce soit aussi gros et que personne n'ait vu le problème ? Le business majeur de Total, ça reste l'industrie pétrolière. Ils sont tout à fait capables d’influencer l’école, comme ils sont capables d’influencer la stratégie européenne sur les énergies", s'indigne-t-il. 

"Il y a une limite où commence l'indécence... on y est"

Cet élève dit avoir "d’énormes doutes" sur la sincérité du groupe en matière de transition écologique. "On aura la direction d’un grand groupe pétrolier qui pourra aller prendre le café avec la direction d’une école de la République. Il y a une limite de proximité à partir de laquelle on est dans l'indécence... et là, on y est", affirme-t-il. Mais la plus grande peur de ces étudiants, c’est que Total fasse du lobbying pour les influencer eux, les grands ingénieurs et futurs décideurs du pays. 

L'entreprise veut en tout cas faire de ce centre un lieu d'échanges, avec une cafétéria et des espaces "de convivialité" ouverts à tous. L'école, de son côté, défend le projet. Pour elle, Total va devenir un acteur incontournable de la transition énergétique. Alors mieux vaut travailler avec le groupe plutôt que de lui fermer la porte.

"Les étudiants savent qui ils ont en face d'eux"

D’autres écoles françaises sont concernées par ces mobilisations d’étudiants. A Sciences-Po Paris par exemple, Total finance des bourses pour les étudiants. Deux cours sont aussi assurés par des responsables et anciens responsables du groupe. Des enseignements qui, selon certaines associations étudiantes, affichent un parti pris en faveur des énergies fossiles. Mais la direction assume : "Ces cours ne visent pas la neutralité, bien évidemment. Les étudiants savent qui ils ont en face d'eux... "

Si Total s’implique autant dans les grandes écoles, c’est que le groupe est inquiet : il a de plus en plus de mal à recruter ces jeunes diplômés. D'après nos informations, Total, en interne, a officiellement identifié ce problème d'attractivité comme un risque pour l’entreprise. Le groupe pétrolier ne peut donc plus compter uniquement sur son statut de grande entreprise pour recruter. Il va devoir convaincre ces étudiants de ses intentions en matière de transition énergétique.