Un labo français a-t-il "accaparé" une invention à des autochtones guyanais ?
L’Institut de recherche pour le développement a enquêté auprès des communautés Kali’na, Palikur et de créoles avant de découvrir une molécule contre le paludisme.
Des chercheurs français ont-ils volé un remède contre le paludisme à des autochtones guyanais ? C'est ce semble affirmer la Fondation France Libertés-Danielle Mitterand , qui conteste le brevet récemment délivré à un laboratoire public. Et pas n'importe lequel : il s'agit de l'IRD, l’Institut de recherche pour le développement.
Les vertus de la Quassia amara. En 2003, des chercheurs de l'IRD sont allés interroger des communautés Kali’na, Palikur et des créoles en Guyane, sur leurs remèdes traditionnels. Ces dernières leur ont alors parlé de la Quassia amara, une plante dont les feuilles ont des vertus médicinales contre certaines maladies transmises par les insectes. Les scientifiques en ont ensuite isolé une molécule, la simalikalactone E (SkE), dont les propriétés pourraient aider à lutter contre le paludisme. Un brevet pour la découverte de cette molécule leur a été délivré en 2015, ce qui permettra à l'avenir de la commercialiser.
"C’est un exemple caractérisé d’accaparement, une injustice flagrante à l’égard des peuples autochtones de Guyane", tacle aujourd'hui Emmanuel Poilâne, le directeur de France Libertés, cité par Le Monde. Selon la Fondation, l'IRD aurait dû demander leur avis aux autochtones avant de déposer le brevet, et les associer à la découverte.
"Un mauvais procès". Le laboratoire, pour sa part, dénonce "un mauvais procès", rappelant qu'il n'y avait, en 2003, aucun cadre légal permettant d'associer les autochtones. "Cette affaire est grave, car elle revient à freiner la recherche, alors que nous sommes confrontés à une course de vitesse pour trouver de nouvelles molécules antipaludiques tandis que les souches de moustiques développent des résistances", dénonce le PDG de l'IRD dans les colonnes du quotidien du soir. Le laboratoire se dit prêt à "partager les éventuelles retombées économiques de cette innovation".