Manifestation féminicide inceste abus sexuels Corse France 2:11
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Virginie Riva, édité par Mathilde Durand
Un Français sur dix déclare avoir été victime d'inceste, selon une enquête Ipsos pour l'association "Face à l'inceste". Le chiffre pourrait encore être sous-estimé en raison de la difficile libération de la parole sur ce sujet encore largement taboue. Les associations pointent également une insuffisance judiciaire. 
REPORTAGE

A la veille de la journée internationale des droits de l'enfant, vendredi 20 novembre, l'association "Face à l'inceste" publie une enquête sur ce sujet douloureux et dévoile un chiffre sidérant : 6,7 millions de français en seraient ou en auraient été victimes, selon les projections d'une enquête Ipsos. Un Français sur dix déclare avoir subi ce tabou absolu, qui touche toutes les strates de la société et tous les milieux socio-professionnels. En 2009, le nombre de victimes déclarées s'élevait à 2 millions, un chiffre triplé en dix ans. Huit victimes sur dix sont des femmes, précise l'association.

La difficile libération de la parole 

Selon "Face à l'inceste", le chiffre pourrait même être sous-évalué car, même si la parole se libère, de nombreuses victimes n'osent pas parler. C'est surtout vrai des hommes victimes d'un parent abuseur masculin. Pour Guillaume, 46 ans, c'est un combat permanent pour surmonter sa souffrance. "J'ai commencé à être victime de violences sexuelles à l'âge de 4 ou 5 ans environ. Cela a duré une quinzaine d'années, toutes les semaines et plusieurs fois par semaines. J'ai grandi avec la peur de parler. Et à 28 ans, mon corps a réagi. J'ai fait 4 tentatives de suicide en six mois", raconte-t-il au micro d'Europe 1. 

"Quand on grandit dans une famille qui a toujours peur de se faire juger par les autres, j'étais bien conscient qu'en parler cela aurait été un tsunami pour eux", ajoute le quadragénaire. Guillaume a réussi à porter plainte contre son beau-père, avant que ce dernier ne décède, le privant de procès. "Il y a eu une enquête, mon beau-père a avoué les faits. Maman s'est excusée de ne jamais rien avoir vu, mais les choses étaient faites de façon à ce qu'elle ne voit pas", confie-t-il. 

Afin de réaliser un état des lieux complet, le secrétaire d'Etat Adrien Taquet, en charge de l'enfance et des familles, va lancer une commission sur les violences sexuelles faites aux enfants dont l'une des missions sera de recenser le nombre le plus précis possible de victimes d'inceste.

Une insuffisance judiciaire 

La libération de la parole est entravée par le tabou autour de l'inceste dans la société, qui n'est présent dans la loi que depuis 2016, après vingt ans de combats des victimes. Les associations dénoncent également un dispositif judiciaire encore insuffisant. Si le mot d'inceste est bien présent dans le code pénal, il n'est pas une circonstance aggravante. Il vient simplement préciser un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle.

Isabelle Aubry est la présidente de l'association "Face à l'inceste". Elle milite pour l'insertion de l'inceste dans le code pénal comme un crime spécifique et imprescriptible, pour qu'il soit reconnu en tant que tel dans la société. "Qu'on dise 'voilà, l'inceste c'est ça, et c'est puni par la loi de tant'. On ne demande pas plus de condamnations, car notre code pénal est déjà très répressif, on demande simplement que la différence soit faite. Un enfant qui est victime d'inceste, la première chose qu'il perd, c'est sa famille et ce n'est pas reconnu dans la loi." 

Par ailleurs, la loi de 2016 sur les violences sexuelles oblige l'enfant, pour apporter la preuve de son absence de "consentement", à démontrer que les faits se sont produits sous la menace, la violence, la contrainte ou la surprise. Mais comment imaginer qu'un enfant puisse s'opposer à un père, à un grand-père qui a un ascendant sur lui, interrogent les victimes, qui veulent changer la loi.