Trois policiers renvoyés en procès pour homicide involontaire après la mort d'un homme interpellé

Justice
Les trois policiers sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire. Photo d'illustration. © DAMIEN MEYER / AFP
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avec AFP
En novembre 2015, l'enquête préliminaire menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) s'était conclue par un classement sans suite. Mais un recours de la famille, qui réclamait un procès aux assises, avait entraîné la réouverture des investigations.

Ils auraient fait preuve de "négligences" et "maladresse" : trois policiers sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire après l'interpellation, avec une clé d'étranglement, qui a conduit à la mort d'Amadou Koumé en 2015 à Paris. Dans l'ordonnance de renvoi consultée par l'AFP, la juge d'instruction relève "le manque de discernement" des fonctionnaires qui l'ont maintenu au sol pendant plus de six minutes sur le ventre, mains menottées dans le dos, dans un bar près de la gare du Nord alors qu'il "ne présentait plus aucun danger pour autrui".

"Association d'une asphyxie mécanique lente et intoxication à la cocaïne"

Le décès de ce père de famille, alors manifestement sous l'emprise d'une crise psychotique, avait été constaté au commissariat où il avait été conduit, dans la nuit du 5 au 6 mars 2015. L'expertise médicale finale a conclu qu'Amadou Koumé, 33 ans, avait succombé à un "oedème pulmonaire" causé par "l'association d'une asphyxie mécanique lente et d'une intoxication à la cocaïne". Elle ajoutait que "le traumatisme cervical et laryngé" entraîné par une clé d'étranglement avait "participé à la survenue de cette asphyxie", également "favorisée" par son immobilisation au sol.

Selon l'ordonnance de renvoi rendue le 2 novembre, "le décès aurait pu avoir lieu sans imprégnation de cocaïne et du seul fait d'une asphyxie mécanique lente". Un premier équipage de policiers n'était pas parvenu à maîtriser Amadou Koumé, un homme de 1,90 m et 107 kg qui se débattait.

Des violences sans "l'intention" de "blesser"

Un policier de la brigade anti-criminalité (BAC) avait alors prêté main forte en procédant à une clé d'étranglement de quelques dizaines de secondes. Il avait ensuite reçu un coup de menotte et repris l'étranglement pendant deux minutes. Ce fonctionnaire a qualifié devant la juge son geste de simple "levée de tête", consistant à presser le menton et non la gorge d'Amadou Koumé, maintenu au sol sur le ventre par un autre policier.

Mis en examen pour la qualification criminelle de "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", l'agent ayant effectué la clé d'étranglement échappe aux assises. Si elle reconnaît des gestes "mal maitrisés", la juge a conclu que les violences, pratiquées sans "l'intention" de "blesser", n'avaient "pas été commises de manière illégitime".

La clé d'étranglement au cœur de plusieurs enquêtes

La magistrate reproche en revanche aux trois policiers de ne jamais avoir vérifié l'état de santé d'Amadou Koumé, "malgré sa vulnérabilité psychiatrique". Elle les estime responsables de "manquements" qui ont conduit au décès, justifiant leur procès pour "homicide involontaire". Les poursuites pour non-assistance à personne en péril sont abandonnées.

Technique controversée, la clé d'étranglement, proscrite dans la gendarmerie et remplacée officiellement depuis juillet dernier dans la police, est au coeur de plusieurs enquêtes ouvertes après la mort d'hommes interpellés. Son utilisation avait déclenché un tollé après la mort en janvier 2020 d'un livreur, Cédric Chouviat, lors d'un contrôle policier.

Dans l'affaire Amadou Koumé, le Défenseur des droits avait jugé en 2018 le recours à cette technique "ni nécessaire ni proportionnée". Le policier s'était défendu devant la juge d'instruction en invoquant l'urgence face à un "risque très important" qu'Amadou Koumé, doté d'une "force herculéenne", se saisisse d'une des armes de ses collègues.