Mein Kampf 1:11
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Manon Bernard , modifié à
A la fin de la Seconde guerre mondiale, un Allemand sur huit possédait le livre "Mein Kampf" d'Hitler. Aujourd’hui, des copies continuent d’être diffusées majoritairement en ligne. Pour replacer le livre dans son contexte, Fayard publie un ouvrage codirigé par Andreas Wirsching et Florent Brayard. Ce dernier était invité mardi midi sur Europe 1. 
INTERVIEW

Comment retranscrire un livre à la symbolique aussi lourde ? En publiant mercredi Historiciser le Mal, une édition critique de Mein Kampf, les éditions Fayard ont souhaité apporter une expertise sur le livre fondateur du IIIème Reich, écrit par Hitler entre 1924 et 1925. Sur Europe 1, Florent Brayard, le codirecteur de cet ouvrage, confie à Patrick Cohen la nécessité de "trouver d’autres moyens de gérer l’existence de ce livre".

Replacer le livre dans son contexte

"Nous voulions faire une traduction pour aujourd’hui", assure l’historien spécialiste de la Shoah au micro d’Europe 1. L’ouvrage qu’il a co-dirigé comporte trois livres en un : une traduction de Mein Kampf, une critique du livre composée de 2.800 notes explicatives et une introduction détaillée pour chacun des 27 chapitres.

L’historien s’arrête surtout sur le premier point. La traduction de Mein Kampf, le livre annonciateur du régime totalitaire nazi, a été un élément clé de ce nouvel ouvrage explicatif. Dans l’introduction aux 800 pages, Florent Brayard détaille : "il suffit de taper Mein Kampf dans un moteur de recherche et vous tombez sur une copie digitale." Mais cette traduction, la plupart du temps datant de 1934, est extrêmement mauvaise. Et pour cause, elle a été enjolivée à l’époque de la sortie du livre d’Hitler en France.

Un nouvelle traduction plus fidèle au texte

"Le rôle du traducteur c’est d’essayer de faire qu’un auteur soit présenté au mieux dans la nouvelle langue", selon l’historien. Mais dans ce cas précis, cette amélioration du texte est également le résultat de "sous-bassement idéologique puisque Fernand Sorlot [l'éditeur] était antisémite, quoiqu’anti-Allemand", poursuit Florent Brayard. Par exemple, dans un passage, Hitler utilise une dizaine de fois le verbe allemand qui équivaut en français à "éliminer". Les traducteurs de l'époque avaient alors trouvé plusieurs mots différents, des substituts pour embellir l'écriture du génocidaire. Le texte a pris une toute nouvelle tournure.

En réalité, le livre est écrit dans un mauvais allemand. La lecture est "pénible" voire "décourageante", est-il indiqué dans l’ouvrage publié par Fayard. Pour Florent Brayard, la nouvelle traduction est "très étonnante parce qu’elle suit au plus près la prose terriblement médiocre, répétitive et obsessionnelle d’Hitler". Avant d’ajouter : "elle rend fidèlement le caractère confus et répétitif" de Mein Kampf.

La commercialisation du livre est encadrée

Ce travail colossal d'une réédition plus poussée a été réalisé par plusieurs chercheurs pendant plus de cinq ans. La commercialisation d’Historiciser le Mal, une édition critique de Mein Kampf est cependant restreinte : le livre est cher (100 euros), lourd mais aussi destiné aux libraires sur commande et aux bibliothèques sur demande. Les droits seront reversés à la fondation Auschwitz-Birkenau.