Qui est Christian Ganczarski, l'ami allemand d'Oussama Ben Laden ?

Christian Ganczarski est détenu en France depuis 2003.
Christian Ganczarski est détenu en France depuis 2003. © AFP
  • Copié
M.L
PORTRAIT - Ce membre du "premier cercle" d'Al-Qaïda, soupçonné d'avoir recruté l'un des kamikazes du 11-Septembre, a agressé trois surveillants dans sa prison française, jeudi.

 

"Très engagé, potentiellement violent, avec une espèce de haine ultra farouche". Des années après l'avoir interrogé, le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière se souvient du "personnage" Christian Ganczarski. Détenu en France depuis 2003, condamné à dix-huit ans de réclusion en 2009 pour complicité d'attentat, cet Allemand, proche d'Oussama Ben Laden, s'est fait un nom dans les prisons de l'hexagone, tandis que de nouvelles figures de l'islamisme radical faisaient la Une des médias. Mais l'ancien responsable d'Al-Qaïda est brutalement revenu sur le devant de la scène, jeudi, agressant aux cris d'"Allah Akbar" trois surveillants du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, où il se trouvait à l'isolement.

Un jeune Polonais "timide". "Comment est-il possible qu'un jeune homme timide originaire de Gliwice (dans le sud de la Pologne, ndlr), catholique pratiquant, se soit transformé en Abou Ibrahim sanglant, terroriste et ami personnel d'Oussama Ben Laden ?", interrogeait en 2009 le quotidien polonais Dziennik, traduit par Courrier International. "Ni les membres de sa famille ni ses amis ne sont capables de fournir une explication." Dans les années 1960, l'enfance de Christian Ganczarski est heureuse et marquée par la religion. Avec ses parents, il va à la messe et se confesse.

Jeune adulte, le chrétien quitte la Pologne et s'installe en Allemagne, où il se forme à la métallurgie. Ses "premiers contacts avec le monde arabe" se nouent dans le monde du travail, selon un officier du renseignement polonais, interrogé par Dziennik. En 1986, le jeune homme se convertit à l'islam et devient "furieux" quand on l'appelle Christian, semblant vouloir "oublier celui qu'il avait été", se souvient un proche. À vingt ans, "Abou Ibrahim" épouse une Allemande, également convertie. Naturalisé, il part pour l'Arabie Saoudite.

Des médicaments pour Ben Laden. Selon l'itinéraire retracé par les médias allemands, l'islamiste suit alors des cours dans une école coranique, puis se rend en Tchétchénie "pour combattre les Russes", avant le Pakistan et l'Afghanistan. "Il a rencontré Oussama Ben Laden à plusieurs reprises. Ils ont probablement sympathisé. Il faisait venir les médicaments pour le chef d'Al-Qaïda", précise l'officier polonais. Pour obtenir les traitements, l'Allemand, père de deux enfants, utilise les ordonnances de sa fille, diabétique.

"C'était quelqu'un qui était dans le premier cercle d'Al-Qaïda, en relation étroite avec Oussama Ben Laden", renchérit Jean-Louis Bruguières. Dans les années 1990 puis 2000, tout l'Occident recherche "Abou Ibrahim", qui passe systématiquement entre les mailles du filet du renseignement. L'Allemand est soupçonné d'avoir recruté l'un des kamikazes du Wall Trade Center. Sur une vidéo tournée un an avant l'attaque, et où les deux pilotes qui précipiteront les avions dans les tours jumelles lisent leurs testaments, les enquêteurs identifient le proche de ben Laden, aux côtés de son fils.

"Dieu le récompensera". Le 11 avril 2002, Christian Ganczarski est la dernière personne à parler à Nizar Naouar, un islamiste tunisien. "Dieu le récompensera", lui dit-il, ignorant que le renseignement allemand a placé la ligne sur écoute. Quelques minutes plus tard, l'homme fait exploser un camion piégé devant la synagogue de la Ghriba, à Djerba, tuant quatorze Allemands, cinq Tunisiens et deux Français. L'attaque fait des dizaines de blessés. Les Occidentaux n'ont pas pu l'empêcher à temps, mais sont convaincus de tenir son commanditaire et le traquent.

Un an plus tard, Christian Ganczarski est finalement arrêté en transit à Roissy, alors qu'il cherche à rejoindre l'Allemagne pour faire renouveler un visa. Jugé à Paris en 2009 dans le dossier de Djerba, il se dit "contre les attentats suicide". "Chaque fois que des innocents meurent, cela me touche profondément. Ce qui se passe ici ce n'est pas la recherche de la vérité, mais une exécution", déroule-t-il, assisté d'un interprète.

"J'ai frappé le premier". En prison, l'homme à la longue barbe noire "travaille" et "ne pose pas de problème particulier" selon une source pénitentiaire interrogée par Le Parisien. Un autre surveillant entendu par la même source raconte l'aura de l'homme en prison : "dès qu'il était placé à l'isolement, il y avait des mouvements de soutien des autres détenus qui parvenaient à bloquer le fonctionnement quotidien de la prison. On avait fini par renoncer." Dans certains centres pénitentiaires, Christian Ganczarski distribue des textes religieux.

En 2003, l'Allemand écope de trois ans de détention supplémentaires pour avoir brisé la mâchoire d'un codétenu. "Il se plaignait que je faisais trop de bruit en m'entraînant au kendo avec un bâton contre un sac de frappe. Il m'a jeté une bouteille d'eau et il est venu vers moi, front contre front. Son épaule a bougé et j'ai vu dans ses yeux qu'il allait me frapper. J'ai frappé le premier", se défend-il.

Réclamé par Washington. Dans quelques semaines, l'ami de ben Laden aurait finalement été libérable aux yeux de la loi française. Mais il devait comparaître le 17 janvier dans le cadre d'une demande d'extradition vers les Etats-Unis. Avec cet agression, avait-il pour objectif d'être à nouveau condamné en France, échappant ainsi à un procès dans le dossier du 11-Septembre ? Les interrogatoires de l'Allemand, désormais parfaitement francophone, devraient permettre de le déterminer.