Quadruple meurtre dans la Sarthe en 1994 : nouvelle requête en révision de Dany Leprince

Dany Leprince avait été condamné en 1997 pour un quadruple meurtre.
Dany Leprince avait été condamné en 1997 pour un quadruple meurtre. © PIERRE ANDRIEU / AFP
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avec AFP , modifié à
Dany Leprince, condamné à la perpétuité pour les meurtres de son frère, de sa belle-soeur et de deux de ses nièces en 1994 dans la Sarthe, a déposé un nouvelle requête en révision auprès de la Cour de révision, la seule habilitée à réexaminer les condamnations pénales. Un nouveau procès avait été refusé en 2011.

Plus de vingt ans après sa condamnation à perpétuité, Dany Leprince, 63 ans, continue à assurer qu'il n'a pas tué son frère, sa belle-sœur et ses deux nièces en 1994 dans la Sarthe : il vient de déposer une nouvelle requête pour tenter d'obtenir un second procès et un acquittement. "Ce dossier a été mal jugé, Dany Leprince mérite à nouveau d'être jugé", résume son avocat, Olivier Morice, "nous apporterons des faits et témoignages nouveaux qui donnent sur les protagonistes de l'époque des éclairages essentiels à la compréhension des faits".

Des aveux avant de se rétracter

Me Morice a saisi le 1er mars dernier la Cour de révision, qui avait déjà refusé en 2011 un autre procès à son client. "Nous avons travaillé à trois avocats pendant quinze mois" pour rédiger la requête, accompagnée de "milliers de pages" de documents, a-t-il détaillé. Il y a plus d'un quart de siècle, l'affaire avait défrayé la chronique par sa violence. Le 4 septembre 1994, Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, âgées de 7 et 10 ans, sont retrouvés morts dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué (Sarthe), massacrés à coups de hachoir. Solène, leur fillette de 2 ans, est la seule rescapée. Deux jours après, cinq membres de la famille Leprince, dont Dany, le frère aîné et voisin de Christian, et son épouse Martine sont interpellés.

En garde à vue, Dany avoue le meurtre de son cadet, après avoir été dénoncé par sa femme et sa fille aînée. Mis en examen pour "homicides volontaires avec circonstances aggravantes", il est incarcéré. Mais rapidement, il revient sur ses aveux et n'a cessé depuis de clamer son innocence. "Il a été reproché à Dany Leprince ses aveux, rétractés ensuite, dans lesquels il reconnaissait avoir tué son frère. Mais il n'a donné aucune indication" sur les autres meurtres, rappelle Me Morice. Tout semble pourtant l'accabler. Aux enquêteurs, il évoque comme mobile du crime la "jalousie" et des différends financiers avec son cadet.

Des zones d'ombre persistantes

Christian Leprince, 34 ans à sa mort, est propriétaire d'un florissant atelier de carrosserie-peinture quand Dany élève vaches et cochons avec sa femme. Endetté, il travaille en plus comme boucher dans un abattoir. Une reconnaissance de dettes entre les deux frères et une feuille, ce hachoir utilisé par les professionnels de la boucherie, sont découvertes chez les Leprince. Autres éléments accablants : les accusations de fille et de sa femme, ainsi que le témoignage de la petite Solène qui l'aurait désigné, avec ses mots d'enfant, à sa nourrice. Mais des zones d'ombre persistent, notamment sur le rôle de son épouse Martine, dont il est séparé depuis.

"Je suis innocent, je peux vous le jurer", répète Dany Leprince à la cour d'assises de la Sarthe, qui le condamne en 1997 à la réclusion à perpétuité avec vingt-deux ans de sûreté. Un an avant la mise en place des cours d'assises d'appel, son pourvoi en cassation est rejeté en 1999. A partir de 2004, il est accompagné dans sa quête de réhabilitation par Roland Agret, un ancien détenu décédé en 2016 après avoir consacré sa vie à dénoncer les dysfonctionnements judiciaires. Une première requête en révision est déposée en 2006. Après un complément d'information de quatre ans, la commission d'instruction saisit la Cour de révision en juillet 2010 en relevant de nombreuses failles dans l'enquête.

"Il ne sera vraiment satisfait que lorsque son innocence sera enfin judiciairement reconnue"

"Aucune preuve matérielle mettant en cause Dany Leprince n'a été établie", note la commission, qui s'étonne qu'"aucune trace de sang" n'ait été trouvée sur ses vêtements. "Il n'apparaît pas vraisemblable que ce massacre ait pu être accompli en un espace de temps aussi court que celui résultant des témoignages", poursuit-elle. Décision inédite, la commission ordonne la suspension de la peine de Dany Leprince. Après seize ans de détention, il est libéré le 8 juillet 2010. Mais en avril 2011, la Cour de révision rejette sa requête et Dany Leprince est réincarcéré. Une "décision d'une cruauté invraisemblable", déplore alors son avocat, Me Yves Baudelot. Pour faire entendre sa vérité, Dany Leprince épuise alors tous les recours. En vain, sa demande de grâce présidentielle et sa requête devant la Cour européenne des droits de l'homme sont rejetées.

En octobre 2012, il obtient une libération conditionnelle mais, selon Me Baudelot, "il ne sera vraiment satisfait que lorsque son innocence sera enfin judiciairement reconnue". Brièvement réincarcéré en 2016 pour avoir enfreint son contrôle judiciaire, Dany Leprince vit aujourd'hui dans le Sud-Ouest. "Nous espérons que notre requête sera examinée dans les plus brefs délais. Des témoins ont un certain âge, il est essentiel de pouvoir les entendre rapidement", plaide Me Morice. Les révisions de condamnations pénales restent rarissimes en France : depuis 1945, onze accusés ont été acquittés à l'issue de leur procès en révision.