Le proxénétisme des cités, un "phénomène franco-français" en plein boom et qui change de visage

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Guillaume Biet, édité par
Pas moins de 120 affaires de prostitution dans les cités ont été traitées l'an dernier par les enquêteurs spécialisés, presque trois fois plus qu'en 2016. Les proxénètes ont désormais élargi leur horizon de recrutement.
ON DÉCRYPTE

Alors que la prostitution disparaît peu à peu des rues pour se nicher dans des appartements et racoler via des annonces en ligne, un phénomène inquiétant est en pleine expansion : celui du proxénétisme de cités. Pas moins de 120 affaires ont été traitées l'an dernier par les enquêteurs spécialisés, presque trois fois plus qu'en 2016, selon les chiffres dévoilés mercredi par la police judiciaire.

"Des échanges lors de soirées festives, des recrutements via les réseaux sociaux"

Même si le phénomène ne date que de quelques années, il est déjà en train de se transformer, avec des victimes jeunes et qui ne sont plus forcément issues de quartiers sensibles. D'après la police judiciaire, les proxénètes vont désormais recruter bien au-delà.

"C'est souvent des échanges lors de soirées festives. Ce sont aussi des recrutements via les réseaux sociaux. Les proxénètes apportent une attention à leurs victimes qui sont souvent vulnérables psychologiquement, économiquement, des professionnelles précaires, en rupture éducative et familiale", explique Jean-Marc Droguet, le chef de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains. "Il y a une promesse de gagner rapidement de l'argent, sans vraiment faire état de la nature de l'activité. Et au fil du temps, ces jeunes filles tombent malheureusement dans le milieu de la prostitution", poursuit-il.

Un "proxénétisme franco-français qui dépasse largement les filières étrangères"

Pour Jean-Marc Droguet, il s'agit bien d'un "phénomène de proxénétisme franco-français, qui dépasse largement les filières étrangères d'exploitation sexuelle". Avec des profits colossaux à la clé pour ces petits caïds devenus proxénètes : chaque fille exploitée peut rapporter 8 à 10.000 euros par mois. 

La moitié d'entre-elles sont mineures : 270 ont été identifiées rien que l'an dernier. Et certaines ne se rendent même pas compte qu'elles sont victimes, souligne un enquêteur. Aveuglées par l'argent facile et la dépendance à leur proxénète, elles s'enferment dans une cage dont il est de plus en plus difficile de sortir.