Procès Lagarde : la semaine en demi-teinte de l'ancienne ministre

 Prenant une dernière fois la parole avant fin de son procès, Christine Lagarde a ravalé, ce vendredi, un sanglot.
Prenant une dernière fois la parole avant fin de son procès, Christine Lagarde a ravalé, ce vendredi, un sanglot. © Benoit PEYRUCQ / AFP
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C.P. , modifié à
L’ancienne ministre des Finances, jugée pour "négligences", risque un an de prison et 15.000 euros d’amende.

Pour la première fois, le vernis a craquelé. Prenant une dernière fois la parole avant fin de son procès, Christine Lagarde a ravalé, ce vendredi, un sanglot. "Ces cinq jours d'audience mettent fin à cinq années d'épreuve pour mon compagnon, mes fils, mes frères qui sont là dans la salle", a déclaré, émue, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances sous Nicolas Sarkozy. Elle comparaît depuis lundi pour "négligence" dans l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais devant la Cour de justice de la République. Un délit pour lequel elle risque un an de prison et 15.000 euros d’amende. "J’ai décidé et j’assume mes décisions." L'actuelle patronne du FMI sera fixée sur son sort lundi à 15 heures.  

Demande de relaxe. Les trois magistrats et douze parlementaires qui composent la cour suivront-ils la demande de relaxe émise par le parquet ? Rarement un réquisitoire aura autant ressemblé à une plaidoirie. "Les charges propres à fonder une condamnation pénales ne sont pas établies", a assuré jeudi le procureur général, Jean-Claude Marin. Et d’ajouter : "Les audiences n'ont pas conforté une accusation bien faible, voire incantatoire". La position du parquet est loin d’être une surprise : il était hostile au principe même d’un procès. Les magistrats instructeurs en ont décidé autrement.

Mais ce jeudi, devant la Cour de Justice de la République, le magistrat n’a eu de cesse de demander la fin des poursuites. Le recours à un arbitrage privé plutôt que de suivre la voie judiciaire classique était avant tout un choix "politique", a-t-il insisté. "Prendre une mauvaise décision n’est pas en soi seul un délit." En clair : rien ne permet de justifier la charge de "négligence" qui pèse sur l’actuelle présidente du FMI. Il s’agissait d’une décision collégiale, prise en partie avant son arrivée à Bercy. "On ne saurait qualifier de négligence le fait de faire confiance à son directeur de cabinet, même s’il s’avérait a posteriori que cette confiance était mal placée", a complété l’avocat général, Philippe Lagauche.

Témoignages à charge. Assise, l'ex-ministre de Nicolas Sarkozy ne laisse paraître aucune expression. Dans la plupart des procès, la perspective du réquisitoire fait trembler les prévenus. Pour elle, c'est la meilleure journée depuis le début des audiences, lundi. Car les témoignages n’ont pas toujours été à son avantage. Bruno Bézard, un ancien haut fonctionnaire de Bercy, à l’époque à la tête de l’Agence des participations de l’Etat, en charge de garantir les intérêts patrimoniaux de la puissance publique, a rappelé à la barre avoir fait de multiples notes au cabinet de la ministre pour mettre en garde contre un choix "extrêmement dangereux" qui "présentait des risques colossaux". Il n’a jamais été reçu malgré ses demandes. Une accusation balayée par le parquet : impossible de lui reprocher de ne pas avoir "suivi" des recommandations.

Le témoignage de Thierry Breton, son prédécesseur à Bercy, a également fait vaciller l’ancienne ministre. En quelques mots, il balaye l’un des axes de défense de Christine Lagarde. Depuis l’ouverture de son procès, elle assure qu’elle avait laissé la gestion de ce dossier "non-prioritaire" à son directeur de cabinet. "Quand on est ministre, il n'y a pas de petites responsabilités", déclare-t-il, d’emblée. L’ancien ministre confie que lorsqu’il occupait ce poste, il lisait lui-même les notes, convoquait les hauts fonctionnaires sur les dossiers sensibles. Et s’occupait personnellement de l’affaire Tapie. Thierry Breton assure surtout que lorsqu'il quitte Bercy en 2007, l'Etat "se trouve dans une situation très favorable" sur le plan judiciaire face à Bernard Tapie. Grâce à un arrêt de la Cour de cassation, "le temps jouait pour nous". En clair : le risque d’avoir recours à un tribunal arbitral n’était pas justifié.

Une décision prise "au sommet de l’Etat". Pourquoi alors avoir opté pour cette voie ? Christine Lagarde a-t-elle reçu des ordres ? Elle assure que non. Mais plusieurs rencontres à l’Elysée ont eu lieu entre l’homme d’affaire et des conseillers de haut rang en 2007-2008. L’ancien conseiller économique, François Pérol, ou l’ex-secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, ont tenté d’atténuer les liens de proximité qu’ils entretenaient avec Bernard Tapie. Il le recevait pour "s’en débarrasser". Pour échapper "à son activisme épistolaire et téléphonique". Jean-Claude Marin dans son réquisitoire a d’ailleurs estimé que la décision du recours, si elle formellement imputable à la seule Christine Lagarde, émanait "du sommet de l’Etat, avec l’accord plus ou moins implicite du président de la République."