"C'est une catastrophe" : pour Kamel Daoud, le coronavirus "appauvrit le don de soi"

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Séverine Mermilliod , modifié à
Depuis plusieurs semaines, l'écrivain et journaliste Kamel Daoud chronique la crise que nous traversons dans le journal "Le Point". Invité d'Europe 1, il estime que le virus et la crise qui en découle risque d'avoir des impacts durables sur nos habitudes, et bouleverse notre rapport à l'intime.
INTERVIEW

Depuis le début de la crise du coronavirus, l'écrivain et journaliste Kamel Daoud, dont le dernier livre Le Peintre dévorant la femme est paru chez Acte Sud, chronique ce changement de vie, auquel nous sommes inexorablement confrontés, dans le journal Le Point. Invité de Patrick Cohen, dimanche sur Europe 1, il estime que la crise que nous traversons, moment "philosophique, moment politique, et d’angoisse économique", reste avant tout "un moment de réflexion sur soi". L'écrivain considère notamment que le virus "appauvrit en nous ce don de soi", avec des conséquences catastrophiques.

Le virus "va marquer pour longtemps nos habitudes"

Pendant cette période, nous sommes "obligés de réfléchir sur ce qu'on va faire, et ce qu’on peut supporter encore", rappelle Kamel Daoud. Avec les règles de confinement puis de distanciation sociale, la proximité physique, qu'il nomme "vertu méditerranéenne", est aujourd'hui bannie. "C'est quelque chose qui nous frappe : la distanciation, les gestes barrière - j’ai appelé ça la chasteté sociale. Mais comment va être l'avenir ?", s'interroge l'écrivain.

"Nous avons tous vécu cette forme d'hésitation, lorsque nous croisons un ami que nous n'avons pas vu depuis deux semaines dans un supermarché. Ces trois ou quatre secondes où nous ne savons pas comment témoigner de l'affection ou de la joie des retrouvailles : que faire ? On ne peut pas serrer dans ses bras, on ne peut pas serrer une main, on ne peut pas embrasser..." poursuit l'écrivain.

"Au-delà des morts, c'est une catastrophe"

"Cela va marquer pour quelque temps, sinon pour longtemps, nos habitudes", estime-t-il. "Surtout pour nous, méditerranéens, qui avons l'habitude de toucher l'autre, de le serrer dans ses bras, d'être dans son périmètre, sa proximité. (...) Au-delà des morts, c’est une catastrophe".

Autre conséquence sur l'intime : le rapport à la liberté est bouleversé par les nouvelles règles du tracking et la mise en place élargie du télétravail. "L’intime et l’intimité est l'enjeu de l’avenir", estime ainsi Kamel Daoud. "Il s'agit à la fois d'accepter qu’il y ait des règles nouvelles, et de défendre son droit à l'intimité. C'est vraiment un chemin de crête", estime l'auteur, pour qui le débat reste entier.