"Peste porcine africaine" : comment la France et la Belgique tentent d'enrayer la progression de l'épidémie

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Pierre Herbulot et Isabelle Ory, édité par Romain David , modifié à
Non transmissible à l'homme, la peste porcine africaine fait des ravages dans les élevages porcins. La Belgique, où les premiers cas ont été repérés en septembre, a déjà procédé à un abattage préventif. En France, les autorités ont mis en place une "zone blanche" près de la frontière.
REPORTAGE

Avec plusieurs cas signalés en Belgique, la "peste porcine africaine" est désormais aux portes de la France. Ce virus mortel pour les porcs reste inoffensif pour l’homme, qui peut en revanche être porteur et transmettre la maladie à l’animal. En Belgique, le gouvernement a déployé des moyens radicaux pour tenter de l'éradiquer. Mais de l'autre côté de la frontière, les autorités françaises s'organisent également.

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En Belgique, des mesures radicales

Chez nos voisins, les deux premiers sangliers malades ont été découverts le 13 septembre, dans les Ardennes, à la frontière de la France et du Luxembourg. Les autorités ont réagi très vite et très fort : dès le lendemain, un périmètre de sécurité est délimité. Il fait six fois la superficie de la ville de Paris. Inquiètes pour les porcs d’élevage, les autorités ont pris des décisions radicales. "Nous avons dû réagir extrêmement rapidement pour protéger notre filière d'élevage qui s'élève à une population de plus de 6 millions de porcs", explique à Europe 1 Denis Ducarme, le ministre belge de l’Agriculture.

"Peste porcine africaine" : comment la France et la Belgique tentent d'enrayer la progression de l'épidémie

Parmi les mesures prises : un abattage préventif dans la région du sud-Luxembourg. "C'était une décision très difficile, nous avons abattu plus de 4.000 porcins", détaille le ministre. "Nous avons fermé les forêts -plus de balade en forêt ! - et limité l'exploitation du bois parce que l'homme est un vecteur de transport de la maladie. Au moment où le dernier sanglier sera abattu, on en aura encore pour deux ans avant de pouvoir ré-élever des porcs dans cette zone, compte-tenu de la persistance de ce virus", souligne-t-il.

Il est encore trop tôt pour que la Belgique puisse évaluer les coûts réels de cette maladie pour son économie. Il a fallu indemniser les éleveurs, mais il y a aussi des retombées sur le tourisme. Certains pays qui importaient du porc belge, comme la Chine ou la Corée, ont décrété également un embargo. De quoi pousser globalement les prix du porc à la baisse, ce qui inquiète le gouvernement.

Un mal européen

À ce stade, les mesures prises par les Belges semblent être efficaces. Presque 400 sangliers malades ont été recensés dans la zone infectée, mais aucun cas dans la zone de vigilance qui sert de sas avec le reste du pays. Et surtout, aucun élevage n’a été contaminé. La Commission européenne a donc salué la fermeté des Belges.

En plus de la Belgique, neuf autres pays européens sont déjà infectés. Il faut savoir qu’il y a une stratégie européenne contre la peste porcine. Sur le papier, tous les pays font ce qu’il faut. Mais dans la pratique, c’est moins vrai. En Pologne et en Roumanie par exemple, l’épizootie n’est pas sous contrôle. Parfois, les mesures de sauvegarde sont mal appliquées, parfois la géographie complique le travail. D'autant que la maladie est ultra contagieuse et installée pour plusieurs années. Résultat : on voit fleurir les clôtures sur les frontières, entre la France et la Belgique donc, mais aussi bientôt entre le Danemark et l’Allemagne.

En France, une zone blanche et des chasses nocturnes

Pour le moment, si la peste porcine africaine n'a pas encore franchi la frontière franco-belge, les éleveurs français de porcs s’inquiètent. En plus de la construction de barrières, le ministère de l’Agriculture vient d’autoriser des tirs de nuit sur les sangliers. À Breux dans la Meuse, Christophe, agent de l’office national de la chasse et de la faune sauvage, a conduit l'une des premières nuits de chasse. Europe 1 a pu l'accompagner :

"On nous a signalé la présence d'une compagnie de sangliers. On est venu ce soir pour essayer de les trouver. Pour l'instant, il n'y a que des chevreuils, des blaireaux et des lièvres, mais pas de sangliers présents sur la zone", relève ce chasseur, une caméra thermique à la main. Dans un silence presque absolu, il guide son binôme, Laurent. Lui porte un grand fusil de chasse, équipé d’une lunette de vision nocturne et d’un silencieux. Il choisit de monter sur une colline pour essayer de trouver les sangliers. "La nuit, ils se déplacent beaucoup pour chercher leur nourriture. C'est pour ça que l'on reste en poste fixe. On a une vue à 360° et on peut tirer en toute sécurité."

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Les autorités veulent maintenir une zone blanche entre la France et la Belgique, sorte de sas de sécurité. ©Pierre Herbulot

Ces patrouilles de nuit viennent s’ajouter à la pose de pièges et aux grandes battues en journée. Plus de 100 bêtes ont été tuées en une semaine. Ce dispositif exceptionnel est chapeauté par Olivier Thibaut, le directeur de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Son objectif est de créer une zone blanche, entre la France et la Belgique, en tuant tous les sangliers sans exception. "On va prélever un certain nombre d'animaux dans la zone en question, mais pour protéger l'ensemble des animaux qui sont un peu plus loin", plaide-t-il. "C'est un crève-cœur pour tout le monde, mais si l'on ne fait pas ça, la maladie va rentrer en France". Pourtant, quels que soient les moyens mis en place dans l'Hexagone, le risque de contamination existera tant que le virus ne sera pas éradiqué en Belgique.