Omar Raddad, ici en 2008, a toujours plaidé son innocence. 1:20
  • Copié
avec AFP , modifié à
Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion pour le meurtre de Ghislaine Marchal en 1991, Omar Raddad avait bénéficié d'une grâce partielle de Jacques Chirac, puis d'une libération conditionnelle en 1998. Mais il tente toujours de prouver son innocence, et sa défense doit déposer jeudi une requête en révision de sa condamnation.

Grâce aux progrès vertigineux de la preuve ADN, Omar Raddad, jardinier marocain condamné pour le meurtre de Ghislaine Marchal en 1991 à Mougins, a retrouvé l'espoir d'obtenir une révision de son procès, après un premier refus cuisant de la justice en 2002. La défense du jardinier, désigné comme coupable par la fameuse inscription "Omar m'a tuer" tracée avec le sang de la victime, va déposer jeudi une requête en révision de sa condamnation.

Ce recours, rarement couronné de succès en matière criminelle, s'appuie sur un nouveau rapport analysant une découverte majeure de 2015 : quatre empreintes génétiques correspondant à quatre hommes non-identifiés - deux ADN parfaitement exploitables et deux autres partiellement - avaient été trouvées sur deux portes et un chevron de la scène du crime. Sur ces deux portes avait été écrit "Omar m'a tuer" (sic) et "Omar m'a t".

Un meurtrier cherchant un bouc émissaire ? 

Dans ce rapport rendu en 2019, l'expert Laurent Breniaux, relevant 35 traces de cet ADN dans l'inscription "Omar m'a t", concluait en faveur de l'hypothèse d'un dépôt de ces empreintes au moment des faits, et non d'une "pollution" ultérieure, notamment par les enquêteurs.

En d'autre termes, selon la défense d'Omar Raddad, il est plausible que ces traces génétiques aient été déposées par l'auteur de l'inscription. Celle-ci n'aurait donc pas été écrite par Mme Marchal agonisante mais par un homme, potentiellement le meurtrier cherchant à désigner un bouc émissaire.

Des éléments "susceptibles de faire naître un doute sur la culpabilité"

Pour Me Sylvie Noachovitch, qui a succédé au célèbre pénaliste Jacques Vergès dans la défense du jardinier, il s'agit bien d'"éléments nouveaux susceptibles de faire naître un doute sur la culpabilité" du condamné, condition requise pour obtenir de la Cour de révision qu'elle ordonne un nouveau procès.

Une première requête avait déjà été déposée en ce sens le 27 janvier 1999 par Me Vergès. La commission de révision, composée de magistrats de la Cour de cassation, avait alors ordonné de nouvelles expertises, graphologiques et génétiques. Les premières avaient conclu à l'impossibilité de comparer les inscriptions au mur avec les écritures connues de Mme Marchal ou de tout autre suspect, écartant la graphologie comme élément déterminant de l'enquête. 

En revanche, les expertises génétiques avaient mis au jour un ADN masculin "en très faible proportion", différent de celui de d'Omar Raddad. Pour la Commission, cette découverte faisaient bien naître un doute sur sa culpabilité, justifiant de saisir la Cour de révision. 

"La révision en 2002 ne tenait qu'à un fil"

Mais le 20 novembre 2002, la Cour prenait le contrepied de la Commission et rejettait la demande d'un nouveau procès : "il est impossible de déterminer à quel moment, antérieur, concomitant ou postérieur au meurtre, ces traces ont été laissées", écrivaient les hauts-magistrats, selon leur arrêt consulté par l'AFP.

Pour la défense du jardinier, le rapport de 2019, profitant des avancées scientifiques, balaye cette conclusion rendue à l'époque des balbutiements de la preuve ADN. "La révision en 2002 ne tenait qu'à un fil et ce fil ne tient plus aujourd'hui : c'est historique", s'enthousiasme Me Noachovitch. Agé de 58 ans, Omar Raddad, qui vit désormais à Toulon, "est toujours très handicapé par cette histoire qui l'a laissé dépressif" et en arrêt maladie longue durée, "mais il a repris espoir", confie-t-elle.

"Cela fait 30 ans que mon client souffre. 30 ans qu'une femme a été tuée dans des conditions extrêmement sauvage et qu'un homme a été accusé et condamné injustement", a insisté jeudi au micro d'Europe 1 Me Noachovitch, devant la Cour de cassation où elle déposait cette requête. Omar Raddad, ajoute-t-elle, "attend énormément de ce procès en révision". 

"Les éléments nouveaux que j'apporte sont essentiels", a martelé l'avocate. "Le simple doute doit désormais permettre de réviser un procès. Or, là, tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a un simple doute."

Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion, sans possibilité de faire appel à l'époque, Omar Raddad avait bénéficié d'une grâce partielle du président Jacques Chirac, puis d'une libération conditionnelle en 1998.

"Pour moi malheureusement, sept ans, deux mois et huit jours derrière les barreaux, il est trop tard pour me les rendre", avait déclaré Omar Raddad en 2008, après une rencontre avec la garde des Sceaux pour plaider sa cause. "Mais pour la vérité, il n'est jamais trop tard. Le combat continue. Je combattrai jusqu'au dernier jour de ma vie", avait-il ajouté.

De rares cas de révision de condamnation pénale

Les révisions de condamnations pénales restent rares en France dans les affaires criminelles : depuis 1945, une dizaine d'accusés seulement ont bénéficié de leur vivant d'une révision et d'un acquittement après un nouveau procès. La dernière annulation d'une condamnation aux assises par la Cour de révision remonte à 2018, lorsque l'autonomiste polynésien Pouvanaa A Oopa, mort en 1977, avait été réhabilité.