Les mères pondeuses des crevettes que nous mangeons ont souvent subi l’ablation d’un œil. 1:29
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Louise Salle , modifié à
Pour faire en sorte qu’elles se reproduisent davantage, les mères pondeuses des crevettes que nous mangeons subissent souvent une ablation d’un œil. Une pratique très répandue à l’étranger, mais peu plébiscitée par les éleveurs français qui ne produisent cependant qu’une toute petite partie des crevettes consommées dans l’Hexagone. 

Pour le réveillon, en verrine ou servies fraîches sur un plateau, les crevettes seront de la fête ! Mais peu de gens savent que pour les produire en grande quantité, on enlève, parfois, un œil aux crevettes femelles. Cette pratique est très répandue, notamment en Asie du Sud-Est, à Madagascar ou en Amérique latine, d’où proviennent la majorité des crevettes que nous consommons en France. Mais elle est jugée barbare par les défenseurs de la cause animale.

Arracher l’œil pour enlever la glande bloquant la reproduction

Les crevettes pondeuses ne sont pas consommées, parce qu’elles servent uniquement à faire naître les larves. Mais pour qu’elles pondent davantage, l'astuce consiste à leur arracher une petite antenne, le pédoncule, au bout de laquelle se trouve un œil.  "À la base de l'œil se trouve une glande qui régule l'activité de reproduction de la crevette", explique Nicolas Rabet, chercheur en biologie des crustacés au Muséum national d’histoire naturel (MNHN) et à l’université Paris 6. "Cette glande bloque la reproduction, sauf à certaines périodes de l'année", poursuit-il. "Lorsque l'on enlève l'œil, donc, on enlève cette glande et on enlève le blocage de la reproduction, ce qui pour l'éleveur a un intérêt puisqu'il peut avoir des larves à tout moment de l'année."  

C'est une mutilation qui la fait souffrir

Jean-Sébastien Bruant, éleveur français de crevettes en Charente-Maritime ne porte pas cette technique dans son cœur. "Lui arracher un œil, c'est vraisemblablement une mutilation qui la fait souffrir", assène le directeur général des Fermes Marines du Soleil, situées sur l’île d’Oléron. "Même les crustacés sont équipés de système nerveux et peuvent ressentir la douleur". Il utilise donc d’autres méthodes. "Par le biais de la lumière, de la température, on a su comprendre comment mettre nos crevettes dans le meilleur état de bien-être possible, ce qui fait qu'ils ne pensent qu'à une seule chose : se reproduire au moment de la saison", détaille-t-il.

Mais ce savoir-faire respectueux du cycle naturel de la crevette produit moins de larves, et coûte plus cher. En France, nous ne consommons qu’une centaine de tonnes de crevettes produites localement par an, contre plus de 100.000 tonnes de crevettes importées.