Alain Bauer était l'invité d'Europe matin ce jeudi. 5:40
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Julien Moreau , modifié à
Les manifestants et forces de l'ordre se sont affrontés pour la deuxième nuit d'affilée, notamment à Nanterre, au surlendemain de la mort d'un jeune automobiliste de 17 ans, Nahel, tué par un policier après un refus d'obtempérer. Pour Alain Bauer, professeur de criminologie, invité d’Europe 1 Matin jeudi, le fait que les policiers aient menti sur le déroulement des faits a "ruiné l’affaire" et a "rajouté de l’huile sur le feu".

Des tensions ont éclaté, ce mercredi 28 juin, dans de nombreuses villes à travers la France, entre manifestants et forces de l'ordre pour la deuxième nuit d'affilée, au lendemain de la mort d'un jeune automobiliste de 17 ans, Nahel, tué par un policier après un refus d'obtempérer. "Ce pays ne connaît pas la discussion et l’a, peu à peu, perdu de vue. Tout est devenu rapport de force. Quand le problème commence par un mort, l’idée générale est celle de la surcompensation, de défoulement général", a déclaré Alain Bauer au micro d’Europe 1.

Les émeutes de 2005

Les cités s’enflamment et beaucoup commencent à imaginer un phénomène similaire aux émeutes de 2005 après les morts de Zyed Benna et Bouna Traoré à Clichy-sous-Bois. Durant plusieurs jours, des émeutes avaient éclaté partout en France et l’état d’urgence avaient été déclarés dans le pays.

"2005 est l’élément de référence dans les têtes. Il y a des cas identifiés d’événements qui provoquent trois jours et trois nuits d’émeutes et l'on se trouve dans ce scénario récurrent. Il y a aussi le scénario catastrophe qui est d’ailleurs indiqué par le renseignement depuis le commencement d'affaire tragique qui dit qu’il y a un vrai risque de basculement", a expliqué Alain Bauer. "Il y a l’extension territoriale des émeutes, dans les provinces, pas seulement dans les grandes villes. Il y a un conflit territorial de contrôle des espaces et du territoire à partir d’un événement qui les a générés", a ajouté le professeur de criminologie.

Des sanctions administratives

Le policier a été placé en garde à vue, ce mardi, et il est interrogé par l’IGPN dans le cadre d’une enquête pour homicide volontaire ouverte par le parquet de Nanterre. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, envisage des sanctions administratives. "En aucun cas, un geste comme celui que l'on a vu, si jamais l'enquête devait confirmer les vidéos, ne se justifie", a déclaré Gérald Darmanin, ce mercredi 28 juin. La famille de Nahel attend désormais des réponses de la part de cette enquête. "L'enquête, elle permet de tout prendre. Il ne faut jamais prendre quoi que ce soit au pied de la lettre, y compris sur la base de quelques images et quelques photos. Les histoires deviennent très différentes au fil et à mesure qu'une vraie enquête est réalisée. On commence à voir ce qu’il s'est passé avant, ce que l'on commence à faire maintenant, puisqu'on a dorénavant la version longue d'une des vidéos, il y a les vidéos de la ville qui vont donner une autre expression", a rapporté Alain Bauer.

Plusieurs affaires dans l'affaire

Pour le professeur en criminologie, le problème dans cette affaire est qu’il y a plusieurs affaires dans l’affaire. "J’ai posé la question à d’anciens élèves qui sont devenus policiers. Ils considèrent que les gestes techniques sont mauvais. Si ça avait été un exercice, le policier en question n'aurait pas eu la moyenne, il aurait été obligé de réapprendre un certain nombre de gestes techniques. C'est lié à la mauvaise qualité de l'information, à la mauvaise qualité de la formation continue, à la mauvaise qualité de la formation au tir", a ajouté Alain Bauer.

Le policier n’aurait donc pas eu les gestes normaux qui auraient permis d’éviter cette tragédie. "Mais s'il s'était senti en danger, on aurait pu comprendre ce qui s'est produit. Sauf que "le mensonge est ce qui ruine tout dans cette affaire", a estimé le professeur en criminologie. Selon lui, la légitime défense aurait pu fonctionner au moment où le véhicule redémarre et qu’il est couché sur le capot. "Mais il n’aurait pas dû être sur le capot et il n’aurait pas dû être dans une position de tirs qui est celle-là", a conclu Alain Bauer.