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Grégoire Duhourcau
Pour les femmes souffrant de vaginisme, toute pénétration sexuelle ou autre est rendue impossible. Morgane a toutefois réussi à surmonter cela et c'est le message qu'elle a voulu faire passer vendredi au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1.
VOS EXPÉRIENCES DE VIE

Morgane, 26 ans, souffre de vaginisme. Elle explique à Olivier Delacroix sur Europe 1 de quoi il s'agit et comment elle a réussi à surmonter ce problème, qui a compliqué ses relations amoureuses et sexuelles.

"Le vaginisme, c'est quand la pénétration n'est simplement pas possible, que ce soit une pénétration sexuelle, une protection hygiénique ou un doigt. N'importe quelle pénétration en général n'est pas possible. Au début, on ne comprend pas ce qui nous arrive. J'ai découvert ça un tout petit peu avant. J'avais 14 ans et j'ai voulu essayer les tampons. Ça n'a pas fonctionné, ça m'a fait très mal, ça ne passait pas. Je me suis posé des questions. Mais à 14 ans, on n'a pas de vie intime donc on ne s'affole pas plus que cela.

Forcément, ça joue un petit peu sur la confiance en soi

A l'âge de 16 ans, quand j'ai voulu faire ma première fois avec mon vrai petit copain, ça n'a pas fonctionné. Au moment de la pénétration, ce n'est pas rentré. Du coup, je me suis dit qu'il y avait peut-être un souci. Mais à ce moment-là, on ne prend pas ça vraiment en compte tel quel. On met plus de temps à comprendre ce qui nous arrive et ce que c'est.

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Forcément, ça joue un petit peu sur la confiance en soi. On a peur que la prochaine relation se passe de la même façon. On ne sait pas trop comment faire. Moi, j'ai commencé à chercher sur internet et je ne trouvais pas grand-chose. J'en ai parlé à des médecins. Je n'avais pas d'infection, donc pour eux, c'est comme si je n'avais rien finalement. Du coup, on se dit forcément qu'on n'a rien, que c'est dans la tête. Et en plus de ça, notre relation ne marche pas, donc ça devient compliqué pour la confiance en soi.

Ça m'est déjà arrivé de ressortir d'un examen gynécologique en pleurs

Chez le gynécologue, c'est un stress, c'est très douloureux, parfois ce n'est pas possible. On leur expose le problème, mais on ne le dit pas aussi clairement parce qu'on a un peu honte qu'ils ne nous écoutent pas ou qu'ils ne nous comprennent pas alors que ce sont des médecins. Ensuite, ils nous auscultent et on comprend qu'il ne nous prennent pas forcément au sérieux parce qu'ils essayent malgré tout de mettre le spéculum alors que jamais rien n'est passé. Ça m'est déjà arrivé de ressortir d'un examen gynécologique en pleurs et de me dire que c'était dans ma tête, que j'étais folle, qu'il n'y avait pas d'autre moyen de s'en sortir, d'être encore plus perdue qu'avant le rendez-vous.

Avec mon compagnon actuel, au tout début j'avais peur de lui en parler. C'est un homme un peu plus vieux que moi, qui avait un peu plus d'expérience dans le domaine, et j'avais peur d'avouer que moi j'étais novice et que ça ne fonctionnait pas à chaque fois. J'avais peur qu'il s'en aille et qu'il trouve mieux ailleurs. Au bout d'un moment, les préliminaires c'est bien mais la question de la pénétration se pose quand même. Je n'avais pas vraiment le choix. Une fois, deux fois ça ne rentre pas, au bout de la troisième fois il se doute bien qu'il y a quelque chose derrière. Il s'est posé la question de savoir si c'était lui, mais je ne pouvais pas le laisser en lui disant 'oui, oui c'est peut-être toi' alors que je savais très bien que non. Il a été au courant dès le début.

J'ai été prise au sérieux par un médecin traitant il y a à peu près un an et demi. J'étais chez le médecin pour changer de contraception et elle m'a dit : 'Je ne vous ai pas fait le test pour vérifier que vous n'étiez pas enceinte.' Je lui ai balancé froidement : 'Ne vous inquiétez pas, je ne risque pas d'être enceinte. Pour ça, il faut un rapport et je n'en ai pas.' Elle a creusé un petit peu et quand je lui ai décrit les symptômes, elle m'a dit : 'Vous avez un vaginisme. Il y a des spécialistes qui s'occupent de la rééducation périnéale dans cette pathologie qu'est le vaginisme.' J'ai pris rendez-vous et ça s'est enchaîné.

On s'aperçoit souvent que la femme vaginique a peur parce qu'elle ne connait pas suffisamment son corps

Au-delà de la rééducation, elle m'a appris comment marchait mon corps, la place que le vagin avait, qu'il était élastique. Elle m'a fait une éducation sexuelle parce qu'on s'aperçoit souvent que la femme vaginique a peur également parce qu'elle ne connait pas suffisamment son corps. Je me suis aperçue que c'était mon cas. Malgré une famille très ouverte avec très peu de tabous, finalement, je connaissais très peu mon corps ou du moins, l'intérieur de mon corps, ce qui fait que j'avais pu développer une certaine peur. Il y a eu un accompagnement autant psychologique que physique. Même si j'avais déjà vu des psychologues auparavant, le fait que ce soit une kiné qui sache de quoi elle parle, ça a eu pour moi un petit peu plus d'impact.

En ce qui concerne les origines de ce trouble, je pense que c'est un tout. Ça a commencé par le fait que j'étais sûrement très réservée et très introvertie. Pour moi, me mettre à nu devant un homme ou un adolescent à l'époque, c'était quelque chose d'assez gênant, j'étais très pudique. Ensuite, j'ai eu des expériences néfastes donc ça n'a pas aidé non plus. Ça peut être aussi du harcèlement scolaire qui va un petit peu plus loin que des mots.

Quand on n'est pas prêt pour quelque chose et que l'on se bouscule, je pense que ça peut engendrer une espèce de phobie et je pense que c'est ce qu'il s'est passé. J'ai développé une espèce de phobie intime et il n'y avait aucun élément derrière pour me rassurer, donc ça a continué comme ça jusqu'à mon conjoint actuel qui a su trouver les mots et les gestes pour rassurer.

Ça n'empêche pas une relation amoureuse d'exister

J'ai créé un blog parce que je voulais informer et orienter correctement. Je voulais éviter aux autres femmes souffrant de ce trouble de perdre du temps, comme moi j'ai pu en perdre. Finalement, j'ai perdu cinq ans et quand j'ai discuté avec ma kiné, elle me disait que parfois c'était des femmes qui, au bout de 50 ans, ne connaissaient toujours pas la pénétration vaginale. Je voulais éviter de perdre du temps. Je voulais également éviter d'avoir des expériences malveillantes avec des professionnels qui se disent professionnels mais qui ne le sont pas, et qui peuvent avoir un effet encore plus négatif sur leur état de santé.

Je voulais également transmettre un message. Ce n'est pas parce que vous avez un vaginisme et que vous ne pouvez pas avoir de pénétration à proprement parler, que vous n'êtes pas normales. C'est juste qu'il faut apprendre à faire autrement, à faire différemment. Mais vous êtes tout ce qu'il y a de plus normal. Je voulais également montrer qu'une vie de couple, c'est possible. J'ai eu des échecs mais à côté de ça, ça fait presque sept ans que je suis avec mon conjoint actuel et ça ne fait qu'un an et demi que l'on peut avoir des rapports quotidiennement. Si moi j'ai réussi, pourquoi pas vous. Vous êtes normales et rassurez-vous, ça n'empêche pas une relation amoureuse d'exister."