pesticides 16:34
  • Copié
Coline Vazquez
Si Michèle Communier et sa fille, Aurore, on fait le choix de cesser toute utilisation de pesticides au sein de leur exploitation à Langouët, Jimmy Guérin, lui, n'a pas encore passé ce cap. Ils étaient les invités de Nathalie Levy dans le grand journal du soir pour débattre de cette question.

Faut-il interdire les pesticides ? En direct lundi soir de Langouët, en Ille-et-Vilaine, Europe 1 a posé la question à trois agriculteurs qui travaillent dans cette commune de Bretagne où, il y a près d'un an, le maire Daniel Cueff avait signé un arrêté destiné à limiter l'épandage de ces produits accusés d'être cancérigènes. Une mesure cassée en octobre dernier par une décision du tribunal administratif de Rennes. À Langouët comme ailleurs, ces arrêtés divisent profondément. Pourtant, certains ont décidé de passer le cap : ils sont agriculteurs et se passent de pesticides. C'est le cas de Michel et Aurore Communier, de la ferme bio de l’Aulne à Langoüet. Ils n'en utilisent plus aucun sur leur exploitation. Face à eux, Jimmy Guérin, lui aussi agriculteur dans cette commune d'Ille-et-Vilaine, n'est pas prêt à en faire autant.

Jimmy Guérin, qui s'est lancé il y a trois ans, garde, d'ailleurs, un souvenir amer de la décision de Daniel Cueff, véritable "coup de massue" pour lui et ses collègues, comme il l'explique au micro d"Europe 1. "On s'est tout de suite mis en ordre de marche pour se défendre, pour ne pas se faire attaquer comme ça avait été le cas. On n'est pas venu pour dialoguer, donc nous, on allait pas aller le [Daniel Cueff] chercher pour dialoguer", déplore-t-il regrettant d'avoir été "mis de côté". "On s'est tournés directement vers les instances pour savoir s'il fallait vraiment écouter cet arrêté et en tenir rigueur. On a alors su qu'on n'avait pas à le faire", explique-t-il. 

"Si je continue comme ça, à 55 ans je suis mort"

Pourtant, le jeune agriculteur ne serait pas fondamentalement contre l'idée de se passer de pesticide. Mais une telle évolution semble être un défi encore impossible à relever. "Bien sûr qu'on a l'envie de diminuer ces produits. Je les achète, ça sort de mon portefeuille, donc si je peux éviter d'en acheter je le fais et si je peux éviter d'en utiliser pour l'environnement je le fais aussi", confie Jimmy Guérin. Mais il peine aujourd'hui à trouver des solutions de rechange. "On diminue. Mon père le faisait et je continue à le faire", assure-t-il. "Il y a longtemps qu'on n'utilise plus nos produits comme c'est écrit sur le bidon. Il y a une dose homologuée qu'on divise par deux, par trois, parfois plus. Et ce, dans le but de faire des économie pour l'environnement et notre portefeuille", poursuit-il.

Michel Communier, lui, a sauté le pas il y a de ça plus de vingt ans. "J'ai vendu des pesticides aux agriculteurs pendant 20 ans. J'en ai utilisé pendant 10 ans, des insecticides pur et dur qui détruisent des charançons et toutes ces petites bestioles qui inquiètent les céréales", reconnaît-il avant d'expliquer : "C'est vrai qu'au bout d'un moment on change d'avis et c'est bien de changer d'avis".

Une décision motivée par une prise de conscience. Alors qu'il manipule tous ces produits, Michèle Communier constate qu'il souffre de nombreuses "irritations sur les bras et les jambes". "Je me suis dis : si je continue comme ça, à 55 ans je suis mort. Donc j'ai dit 'j'arrête et je pars'", lâche-t-il.

"Est-ce qu'on a besoin de produire pour produire ?"

Désormais, Michel travaille avec sa fille qui a totalement adhéré à sa cause. Convaincue par le fait de ne plus utiliser de pesticides, elle poursuit les efforts entamés par son père : "Je pense qu'il faut trouver des solutions pour arrêter ces produits qui détruisent la biodiversité et la santé", affirme-t-elle. Selon la jeune femme, "il y a des solutions, il faut juste tester de nouvelles choses et après que tout le monde se mette d'accord. Entre la MSA [la sécurité sociale agricole], le ministère de l'agriculture...on peut trouver de solutions". 

Mais cesser totalement d'en utiliser a un coup, reconnaît Michèle Communier. Lorsqu'il a pris cette décision en 1996, sa production et ses rendements ont été impactés. Aujourd'hui, sa fille et lui parviennent toutefois à se dégager, tous les deux, un salaire. Face aux contraintes qu'impose un tel choix, l'agriculteur préfère relativiser : "Est-ce qu'on a besoin de produire pour produire ? C'est la question qu'on doit se poser", s'interroge-t-il.