Mayotte : pourquoi l'île s'enlise-t-elle dans la crise de l'eau ?

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Ophélie Artaud / Crédit photo : Chafion MADI / AFP
À partir de ce lundi, plus de 300.000 bouteilles d'eau vont être distribuées à l'ensemble des habitants de Mayotte. Depuis plusieurs mois, le 101e département français fait face à une importante crise de l'eau. La population n'a accès à l'eau courante qu'un jour sur trois, et les réserves ne cessent de se réduire. Europe 1 revient sur les causes de cette crise d'une ampleur inédite.

Un litre par personne et par jour. À partir de ce lundi 20 novembre, des bouteilles d'eau vont être distribuées à l'ensemble des 310.000 habitants de Mayotte. Des points de distribution ont été mis en place dans les différentes communes de l'île pour alimenter la population : sur présentation d'un justificatif d'identité, chaque habitant peut récupérer un pack d'eau par semaine. Pour lutter contre le risque de pollution plastique, les bouteilles vides doivent ensuite être ramenées au point de collecte pour bénéficier d'une nouvelle distribution.

Une solution de dernier recours car depuis le mois de septembre, le 101e département français est confronté à une crise de l'eau d'une ampleur inédite. Les Mahorais sont privés d'eau courante plus de deux jours sur trois, et doivent vivre au rythme des tours d'eau : des heures de coupures d'eau planifiées, mises en place par la Société Mahoraise des Eaux (SMAE), en fonction des différents secteurs de l'île. Alors que la population tente de trouver des solutions, en réutilisant de l'eau pour plusieurs usages ou en la récupérant dans des rivières, s'ajoute le risque sanitaire lié à la possible utilisation d'une eau impropre à la consommation.

Aussi, la distribution de bouteilles par l'État et les collectivités est une question de survie pour de nombreux habitants du département le plus pauvre de France, où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et où le prix d'un pack d'eau en supermarché peut dépasser les 8 euros. Un arrêté préfectoral de septembre dernier a d'ailleurs plafonné le prix des bouteilles d'eau de 1,5 litre à 1,40 euro, et celui des bouteilles de 0,5 litre à 0,75 centimes. L'État a également annoncé prendre en charge les factures d'eau des habitants entre septembre et décembre, dont le coût est estimé à 12 millions d'euros.

Quelles causes à la crise de l'eau ?

La crise de l'eau - qui dure depuis 2017 avec des périodes plus ou moins difficiles - est directement liée à la sécheresse intense qui touche l'île depuis plusieurs mois. "Les ressources en eau du département ont atteint un niveau de baisse critique", indiquait la préfecture de Mayotte le 13 novembre dernier dans son bilan hebdomadaire Cons'eau, qui recense l'évolution de la consommation d'eau.

À cause des faibles précipitations enregistrées lors de la dernière saison des pluies, les deux retenues collinaires de l'île ont atteint des niveaux extrêmement bas, qui ne cessent de diminuer ces dernières semaines. Au 13 novembre dernier, celle de Combani était remplie à 6,8% et celle de Dzoumogné à 5,8%. À titre de comparaison, l'année dernière, à la même date, elles étaient respectivement remplies à 69% et 47%. S'il a un peu plu sur l'île la semaine dernière, ce qui a permis de légèrement augmenter le niveau des retenues, cela n'est pas suffisant pour subvenir aux besoins du département, estimés à 43.000m3 par jour. Actuellement, l'objectif affiché est de ne pas consommer plus de 22.000m3 d'eau par jour, mais dans les faits, la population utilise quotidiennement environ 26.000m3.

Mais les difficultés d'accès à l'eau sont aussi liées à un manque d'infrastructures, au moment où la population mahoraise ne cesse de croitre. Selon l'Insee, entre 2012 et 2017, elle a augmenté de 3,8 % par an en moyenne. La déforestation, qui empêche l'eau d'atteindre les nappes phréatiques, et la vétusté du réseau, qui cause de nombreuses fuites, font également perdre beaucoup d'eau à l'île.

Quelles solutions ?

Pour tenter de réguler la crise, l'État a annoncé en octobre dernier un plan de 400 millions d'euros pour les trois prochaines années, avec des travaux de forages, de recherche des fuites d'eau ou encore d'interconnexion des réseaux. Le projet d'une deuxième usine de dessalement et d'une troisième retenue collinaire ont aussi été annoncés. Des infrastructures qui ne devraient pas voir le jour avant plusieurs années.

Face à la crise, les Mahorais attendent avec impatience la saison des pluies, qui devrait débuter d'ici début décembre.