"L'odeur de poudre et de sang" : le récit de l'assaut du Bataclan, le 13 novembre 2015
Le 13 novembre 2015, Christophe Molmy dirigeait la Brigade de recherche et d'intervention à Paris. Dans les Coulisses de l'info, sur Europe 1, il raconte avec une précision rare l'assaut de son équipe au Bataclan. "Personne n'était prêt à ça", confie-t-il au micro de Dimitri Pavlenko.
C'est un témoignage exceptionnel. Aujourd'hui à la tête de la brigade des mineurs de la police judiciaire de Paris, Christophe Molmy dirigeait la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) le soir des attentats du 13-Novembre, à Paris. L'agent a été en première ligne lors de l'assaut du Bataclan, face aux terroristes. Il a accepté de témoigner lors du procès qui s'ouvre cette semaine au palais de justice de Paris . Dans les Coulisses de l'info sur Europe 1, il raconte avec précision son entrée à partir de 22h15 dans la salle de concert.
"L'odeur de sang qui prend à la gorge"
"La première image, c'est une salle, la fosse qui est remplie de corps. Je ne sais pas combien, mais je pense qu'il y en avait des centaines par terre. Il n'y avait pas de bruit. On entendait quelques personnes gémir, mais personne ne bougeait. Pendant longtemps, les personnes qui essayaient de se lever pour s'enfuir ou dont le téléphone sonnait ou qui appelaient à l'aide se faisaient tirer dessus depuis les balcons par les terroristes. Il y a cette odeur de sang et de poudre aussi qui prend à la gorge parce qu'il y a eu de très nombreux tirs." C'est dans cette atmosphère de désolation que Christophe Molmy et son équipe pénètrent dans l'enceinte du Bataclan le soir du 13 novembre 2015.
"Deux équipes de la BRI montent à l'étage. On continue à progresser dans des conditions qu'on ne peut pas imaginer parce qu'à chaque fois qu'on ouvre un placard, on trouvait trois ou quatre personnes bloquées dans les toilettes. J'ai vu six personnes entassées. On a vu des personnes descendre des faux plafonds. Il y en avait partout. La difficulté, c'est que des personnes sont très désireuses de sortir tout de suite et je les comprends. Mais elles font ça un peu vers nous. Cela peut être une menace parce qu'on ne sait pas qui elles sont. Donc, il faut les calmer", explique Christophe Molmy alors que son équipe est à portée de tir des terroristes.
Face-à-face avec l'un des terroristes
"Pour la première partie de l'assaut, ça a été un moment assez intense parce que finalement, on a subi les tirs des terroristes. Il n'était pas question de tirer alors que des otages étaient au milieu. Les gars ont été très courageux. Ils ont encaissé les tirs et en avançant pour former un bouclier. Les otages sont passés derrière ce bouclier puis ont été pris en charge." La deuxième partie est plus active pour l'ancien chef de la BRI et son équipe qui se retrouvent face à l'un des terroristes. "Les collègues voient une ombre venir vers eux avec une arme à la main. Ils comprennent que c'est un des terroristes. Le premier agent tire dessus. Il le blesse. Le terroriste recule et tombe au sol et se fait sauter. Un deuxième terroriste est sonné et se retrouve groggy."
La brigade d'intervention s'avance vers ce deuxième homme. "Le terroriste est en train de chercher son détonateur. Là, il est neutralisé pour légitime défense. L'assaut est fini. Cela a duré plus de deux minutes à peine. Mais personne n'a vu ça en France depuis la Seconde Guerre mondiale. Près de 90 corps, c'est inimaginable. On n'était pas prêts à ça, mais personne n'est préparé à ça. On a tous été marqué. Il y a des choses qui nous reviennent. Ça fait partie de notre histoire", admet Christophe Molmy. L'ancien chef de brigade n'attend pas grand chose des débats qui vont s'ouvrir lors du procès, mais il s'agit pour lui d'un "devoir de mémoire" pour les familles des victimes .