Un travail de fourmi est nécessaire pour déterminer les causes d'un incendie.
  • Copié
Salomé Legrand, édité par Margaux Baralon , modifié à
Le lieutenant-colonel Guillaume Cognon, chef du département environnement-incendies-explosifs à l'IRCGN, l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie, explique sur Europe 1 comment il mène ses investigations en cas d'incendie.
INTERVIEW

C'est un lieutenant-colonel, mais qui travaille dans un laboratoire. Guillaume Cognon, chef du département environnement-incendies-explosifs à l'IRCGN, l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie, fait chaque jour des opérations de police techniques pour déterminer les causes et les origines des départ de feu. Un travail en étroite collaboration avec les autres enquêteurs, mais aussi les professionnels de la forêt et les sapeurs-pompiers, qui permet régulièrement de débloquer les investigations. Indispensable pour, bien sûr, déterminer la vérité, mais aussi prévenir d'autres incendies. Pour Europe 1, le lieutenant-colonel Cognon a accepté de revenir en détail sur son métier.

Quels sont les premières choses que font les enquêteurs lorsqu'ils arrivent sur le lieu d'un incendie ?

L'idée, c'est d'arriver le plus vite possible. Plus on arrive tôt sur un site incendié, plus on va avoir de chances de conserver les traces et les indices. Il faut bien réaliser qu'un incendie est une scène de crime à part entière. On a une méthode d'investigation systématique. La première chose, c'est la recherche de la zone d'origine de l'incendie. C'est crucial, il faut arriver à délimiter la zone de départ de feu de manière à faire les investigations les plus poussées dans cette zone. Dans le cas des incendies de forêt, c'est délicat car vous êtes rapidement sur une surface qui dépasse plusieurs dizaines ou centaines d'hectares.

Comment faire alors pour délimiter cette zone de départ ?

On va se servir de drones, de chiens de recherche, d'un hélicoptère. Sur des feux de grande ampleur, on ne voit pas grand chose au niveau du sol, il faut prendre de la hauteur pour suivre le cheminement inverse du feu. L'idée, c'est d'exploiter les vidéos, les photos et les moyens aériens pour écarter toutes les zones qui ne sont pas à l'origine de l'incendie. Puis, on va faire des recherches, des fouilles, du tamisage [quadriller une zone pour faire une investigation systématique] pour restreindre encore plus la zone de départ et trouver les traces comme des mégots, des bouteilles incendiaires. L'incendie a ce désavantage de masquer beaucoup de traces et d'indices, cela fait beaucoup appel à l'observation et la reconstruction.

Commence alors la deuxième phase d'investigation...

La deuxième phase, c'est l'explication du déclenchement. Pour qu'un feu prenne, il faut du combustible, du comburant et une source d'énergie. Le combustible, dans le cas d'un feu de forêt, cela va être les arbres. Le comburant, c'est l'oxygène de l'air. Et c'est sur la source d'énergie qu'on va se pencher. Elle peut être naturelle, cela peut être la foudre. Elle peut aussi être liée à du matériel en fonctionnement ou l'émission d'un produit inflammable. C'est cela qui va permettre de s'orienter vers une hypothèse humaine.

Quelles peuvent être les causes d'un incendie ?

Il y en a de quatre types : les causes naturelles, les causes liées à de la technique, donc un appareil qui a dysfonctionné par exemple, les causes humaines et la cause indéterminée. Quel que soit le type d'incendie, la clé pour nous, c'est la recherche des causes. C'est cela qui va permettre de déterminer la vérité et de diminuer le nombre d'incendies. Donc on n'y arrivera jamais si on ne s'attaque pas aux causes. Pour les causes humaines, on a deux cas de figure. On a la cause fortuite : la personne est présente sur place mais ne l'a pas fait exprès. Et la cause délibérée, où là c'est un acte bienveillant. La difficulté, c'est de faire la distinction entre les deux. La différence, c'est que sur une cause humaine fortuite, la personne laisse généralement plus de traces. 

Comment retrouver des traces en cas d'incendie criminel ?

Vous allez faire des prélèvements de sol au niveau de la zone que vous soupçonnez être de départ de feu pour rechercher des produits inflammables qui l'auraient imprégné. Au laboratoire, on détermine s'il y a présence ou absence d'un tel produit. On est en mesure de mettre en oeuvre des techniques analytiques particulièrement sensibles. Dans le cadre des produits inflammables, on peut faire la distinction entre toutes les coupes pétrolières commerciales : alcool à brûler, white spirit, gazole, kérosène, huile, etc. 

Comment travaillez-vous avec les autres services de la gendarmerie et la police ?

C'est un véritable travail d'équipe. Il y a des partenariats très soutenus entre la police et la gendarmerie, mais aussi les forestiers et les sapeurs-pompiers. Nous, avec la partie scientifique, on vient confirmer ou infirmer les hypothèses des enquêteurs. Les sapeurs-pompiers ont une connaissance du feu très utile, et les forestiers celle du terrain. Ils connaissent les types d'arbre, les végétations, la topographie, et la propagation du feu est plus facile à expliquer avec ces connaissances. On traite 1.000 dossiers par an au laboratoire en incendie. Et alors qu'il y a une vingtaine d'années, chaque expert travaillait dans son coin, on a maintenant une augmentation des expertises pluridisciplinaires. Dans une affaire de découverte de cadavre dans un véhicule incendié par exemple, le travail d'investigation incendie permet de retrouver des traces, des documents, voire de l'ADN. Il nous arrive de donner des éléments au département empreinte digitale, au département biologie... et même de mettre un nom sur un suspect.