Dino Scala comparaît à partir de vendredi devant les assises du Nord pour un parcours, en partie assumé, de violeur en série, de 1988 à 2018. 1:34
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Lionel Gougelot, avec AFP , modifié à
Le procès du "violeur de la Sambre" s'ouvre vendredi devant les assises du Nord, à Douai. Dino Scala est accusé d'avoir commis 56 viols et agressions sexuelles de 1988 à 2018 sur un rayon de moins de 30 km autour de cette rivière, traversant la frontière franco-belge. Il s'agit sans doute de la plus vaste affaire de viol en série examinée par la justice française. 

Trente ans de viols et agressions sexuelles, 56 victimes : Dino Scala comparaît à partir de vendredi devant les assises du Nord pour un parcours, en partie assumé, de violeur en série, de 1988 à 2018. Le terrain de chasse imputé à celui qu'on a surnommé le "violeur de la Sambre" s'étend sur un rayon de moins de 30 km autour de cette rivière, traversant la frontière franco-belge.

Des victimes âgées de 13 à 48 ans

Parmi les victimes, la plus jeune avait 13 ans, la plus âgée 48. Beaucoup d'entre elles, qui ne croyaient plus à une issue judiciaire, ont été recontactées après son arrestation. "Elles espèrent pouvoir enfin mettre un point final à ce qui leur est arrivé, avoir un début d'explication et être entendues, comprises", commente Me Caty Richard, avocate de trois d'entre elles.

Jugé jusqu'au 1er juillet, Dino Scala, 61 ans, comparaît pour 17 viols, 12 tentatives de viol et 27 agressions ou tentatives d'agression sexuelle.

"La grande majorité des faits" reconnue

Cet ancien ouvrier et entraîneur de clubs locaux de football a reconnu "la grande majorité des faits", indique son avocate, Me Margaux Mathieu. Il a fait "des aveux spontanés dès le début de sa garde à vue" et se trouve toujours "dans cette même volonté d'expliquer, de répondre aux questions", assure-t-elle.

Il en conteste toutefois "une quinzaine", "formellement et de manière constante", tandis que pour certains faits délictuels, "les plus anciens", il "éprouve des difficultés à se souvenir".

La maire d'une commune décide d'alerter l'opinion en 2002

En découvrant la multiplication des agressions, y compris sur le territoire de sa commune, Annick Mattighello, la maire de Louvroil, décide en 2002 d'alerter l'opinion sur la présence d'un prédateur sexuel. "La police était au courant, le procureur, le sous-préfet mais motus et bouche cousue. On n'en parlait pas, il ne fallait pas en parler. Donc j'ai pris le taureau par les cornes, j'informe la population pour dire 'attention, il y a quelqu'un qui rôde, qui cherche ses proies, méfiez-vous, surtout les femmes qui travaillent très tôt le matin'."

"Vous alimentez la psychose"

Car le mode opératoire de l'agresseur est déjà bien connu. Mais en brisant le silence, Annick Mattighello se voit reprochée par les autorités de perturber le travail des enquêteurs. "J'ai même été accusée de mettre une entrave au bon déroulement de l'enquête", raconte-t-elle. "Et puis vous alimentez la psychose!", lui reproche-t-on encore.

Après toutes ces années, ce que ne digère pas l'élue, c'est que tout n'a peut-être pas été fait à l'époque pour sensibiliser les habitants. "On nous dit qu'il y a eu un portrait robot, il y en a même deux ou trois, en Belgique, ils les ont affichés et moi, en tant que maire, je ne l'ai jamais eue entre les mains alors qu'il fréquentait le terrain de foot de Louvroil avec son équipe. Donc forcément, si on avait eu le portrait robot, les sportifs l'auraient reconnu", regrette-t-elle.

Des alertes qui, selon Annick Mattighello, auraient sans doute évité d'autres victimes.

En deux ans, le juge recense une quinzaine de victimes

L'information judiciaire, tentaculaire, débute en novembre 1996 avec la plainte d'une femme de 28 ans, violée le long d'une voie rapide à Maubeuge. Un homme est sorti de l'ombre, raconte-t-elle, lui a demandé s'il lui "avait fait peur", avant de l'étrangler et l'entraîner dans un taillis. Son sperme sera trouvé dans l'herbe.

Très vite, d'autres agressions suivent dans la même zone. Des adolescentes sont notamment violées sur le chemin de l'école. En deux ans à peine, le juge recense une quinzaine de victimes.

Elles sont presque systématiquement agressées dans l'ombre des petits matins d'hiver, généralement sur la voie publique. Le mode opératoire est similaire : l'homme les saisit par derrière, les étrangle avec l'avant bras ou un lien, pour les traîner à l'écart. Il les menace, souvent à l'aide d'un couteau, peut leur attacher mains et pieds ou leur bander les yeux. Il leur demande parfois de "compter", pendant qu'il fuit. Durablement traumatisées, plusieurs diront avoir "vu la mort".

Pendant des années, la police multiplie les investigations, comparaisons d'ADN, quadrille la zone. Sans succès, au point qu'un premier non-lieu est prononcé en 2003. L'affaire rebondit en 2006 après une série d'agressions en Belgique. D'autres plaintes plus anciennes sont alors rapprochées du dossier. Mais le coupable demeure introuvable.

Couteau, cordelettes, gants sont retrouvés lors des perquisitions

Jusqu'à l'agression d'une adolescente en février 2018 à Erquelinnes (Belgique). Une Peugeot 206 est filmée par la vidéosurveillance, à proximité. Le conducteur, Dino Scala, sera arrêté quelques semaines plus tard à Pont-sur-Sambre.

Couteau, cordelettes, gants sont retrouvés lors des perquisitions. Son ADN est présent sur plusieurs scènes de crime. En garde à vue, il avouera une quarantaine d'agressions, invoquant des "pulsions" incontrôlables. Plus tard, il dira "en vouloir" aux femmes et s'être toujours senti insuffisamment reconnu, "éternel second" dans sa vie professionnelle comme intime.

Un père de cinq enfants

L'arrestation de ce père de cinq enfants - issus de deux mariages - avait abasourdi son entourage qui le décrit largement comme "gentil", "serviable". Mais deux ex-belles-sœurs ont dénoncé des comportements déplacés. Sa première fille a décrit des souvenirs imprécis d'attouchements, accusant successivement son père et son grand-père.

L'enquête dessine le profil d'un "prédateur" à la vie "organisée autour" de ces crimes. Avant d'aller au travail, il "rodait" pour trouver des victimes et repérer leurs habitudes. "Je tournais, (...) j'observais où les femmes passaient". "J'aime être furtif, me dissimuler", avouera-t-il pendant l'instruction, évoquant une "nature de chasseur".

Selon des experts psychologues, sa jouissance provenait plus de la "domination d'autrui" que de l'acte sexuel.