Le "stream reconductible", ou quand les joueurs de jeux vidéo soutiennent les grévistes
Pour aider financièrement les grévistes, qui entament une nouvelle semaine de mobilisation contre la réforme des retraites, des joueurs de jeux vidéo ont décidé de jouer en direct 24h sur 24h afin de collecter des fonds. En huit jours, ils ont engrangé près de 70.000 euros.
La grève continue lundi, notamment dans les transports où la circulation des trains et des métros est encore très perturbée . Trois, quatre, voire cinq jours sans travailler : pour certains grévistes, protester contre la réforme des retraites revient à sacrifier une partie de son salaire. En soutien aux grévistes, des joueurs de jeux vidéo ont lancé une initiative originale, un "stream reconductible" . Comprenez une vidéo en direct, 24h sur 24h, sur la plateforme Twitch. Depuis jeudi, des joueurs se filment en train de jouer, ils se relayent toute la journée et incitent les internautes à faire des dons, reversés ensuite dans la cagnotte des grévistes. Résultat, près de 70.000 euros récoltés en huit jours .
Une initiative improvisée
Reproduire une manifestation dans un niveau de Super Mario Bros, avec les Koopa et leurs carapaces en guise de CRS, opposés aux manifestants Skelerex, c'est le genre de concept amusant que l'on peut voir sur le "stream reconductible". Toute la journée, des "streamers" jouent à leurs jeux préférés, pendant que des milliers d’internautes les regardent de l’autre côté de l’écran. Le mot d'ordre : "on s'arrêtera quand ils (les grévistes, ndlr) s'arrêteront".
On ne s'arrêtera que lorsqu'ils s'arrêteront !
— Le Stream Reconductible (@recondustream) December 4, 2019
Art par @jeanfluflu#Recondustream pic.twitter.com/PQoNBcbwpa
L'initiative, totalement gérée en ligne, sur un forum, a été mise sur pied en à peine deux jours. "J'ai été contacté sur Twitter par un gars qui nous lançait un défi à moi et un autre streamer : un stream en soutien à la grève. J'ai poussé l'idée plus loin : un stream 'reconductible', comme la grève. Il fallait être à la hauteur de l'événement", raconte à Europe 1 Usul, vidéaste passé par jeuxvidéo.com et Médiapart, engagé contre la réforme des retraites.
"En deux jours, on a mobilisé des dizaines de personnes, c'est complètement fou ! Maintenant, on va s'organiser pour suivre la grève jusqu'au bout", ajoute-t-il. Au total, le "stream reconductible" mobilise près de 70 bénévoles, entre ceux qui jouent en direct, ceux qui modèrent les contenus et le tchat, et ceux qui organisent le tout. Côté financier, les internautes peuvent lancer des défis aux "streamers" qui, en retour, les incitent à donner dans la cagnotte. L’argent ainsi récolté est reversé au pot commun de la CGT, une cagnotte ensuite distribuée à l’ensemble des grévistes et non pas aux seuls syndiqués. "C’est ça aussi qu’on veut montrer. C’est que quand on est ensemble, on peut faire des choses extraordinaires", se réjouit Usul.
Le @recondustream vient donc de créer Super Macron 64. https://t.co/yEdI6F4Urn pic.twitter.com/Glzszfvao6
— Romain Vincent (@RomainHG) December 7, 2019
Divertir et informer
Parmi les streamers, il y a Nat'ali. Elle est suivie par 17.000 personnes sur Twitch et s'est retrouvée sur le projet un peu par hasard. Mais elle ne regrette pas. "Si je n'avais pas aussi peur des violences, je serais dans la rue. Je ne suis pas syndiquée mais je soutiens le mouvement. Ce stream, c'est un peu ma façon à moi de le montrer", explique-t-elle. Nat'ali, comme beaucoup d'autres participants au projet, estime qu'il faut mobilise au-delà de la seule réforme des retraites. "J'ai failli travailler dans le secteur des jeux vidéo. Mais, dès mes études, j'ai fait un burn-out. En école, c'est un milieu qui a l'air génial. Mais on ne nous parle pas des heures supplémentaires non payées, de la pression lors des dernières semaines avant la sortie d'un jeu... C'est un monde très dur et je veux en parler."
De fait, le "stream reconductible" n'est pas qu'un enchaînement de parties de jeux vidéo. Il ne s’agit pas uniquement de divertir les internautes. "C’est pour l’instant très collectif ce qu’on fait, très démocratique et très créatif, chacun est libre de proposer ce qu’il veut pour le stream", souligne Usul. Ainsi, entre deux jeux, des échanges sont organisés avec des intervenants autour de la réforme des retraites, de la précarité étudiante ou encore des conditions de travail sur le web.