Le nouveau Palais de justice de Paris s'attire déjà les foudres des avocats

Le nouveau Palais de justice a accueilli ses premières audiences, lundi.
Le nouveau Palais de justice a accueilli ses premières audiences, lundi. © AFP
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M.L , modifié à
Box vitrés, couloirs réservés et stagiaires refoulés : le bâtiment ultra-sécurisé, qui ouvre ses portes lundi, ne fait pas l'unanimité chez les professionnels de la justice.

Fini les colonnes de l'île de la Cité, place à la modernité du quartier des Batignolles. Le nouveau Palais de justice de Paris accueille sa première audience, lundi, au nord-ouest de la capitale. Dessiné par Renzo Piano, l'édifice trône au milieu d'une "cité judiciaire" qui comprendra les nouveaux locaux de la police judiciaire, et une Maison de l'ordre des avocats. Avant même le déménagement, certains de ceux-ci ont exprimé de vives réserves dans les médias et sur les réseaux sociaux, dénonçant une "forteresse" sans charme et qui porterait atteinte à la présomption d'innocence.

  • Les élèves avocats refusés à certains étages

"Pour les services de permanences pénales, le JAP (juge d'application des peines, ndlr), le JLD (juge des libertés et de la détention, ndlr), le tribunal pour enfants et pour les pôles de l'instruction, seul l'avocat pourra y accéder. Il s'engage à ne faire rentrer aucune autre personne dans ces services. Les stagiaires n'y auront donc pas accès", détaille l'ordre des avocats de Paris sur son site internet.  Une situation inhabituelle et déplorée avec plus ou moins d'humour sur Twitter par les principaux concernés, qui craignent que l'interdiction ne concerne les élèves avocats en formation - ceux-ci prêtent serment en s'engageant à "conserver le secret de tous les faits et actes" dont ils pourraient avoir connaissance avant de commencer leur stage.

  • Des parcours différenciés selon les professions

Le guide fourni aux professionnels de la justice fait aussi état de "règles de circulation" dans le nouveau Palais. Selon Libération, des circuits sont réservés aux magistrats, tandis que d'autres doivent être empruntés par les avocats. À chaque fois, des badges d'accès permettent d'autoriser ou non l'entrée dans une zone. "Là où il y a la moquette, les avocats n'ont pas accès, ce sont les magistrats", rapporte avoir entendu l'avocate Laure Heinich, qui a pu visiter les lieux en avant-première.

  • Des box vitrés parfois entièrement clos

Progressivement installés dans les tribunaux depuis la fin de l'été 2017, les box vitrés, ne laissant les prévenus ou accusés communiquer que via un micro, ont déjà fait l'objet d'actions en justice. Le site des Batignolles n'échappe pourtant pas au déploiement de ces équipements, dénoncés comme une atteinte à la présomption d'innocence. Un box y est même totalement clos, sans aucune ouverture sur le reste de la salle, forçant le détenu à s'exprimer via un casque et un micro. "Sous couvert d'une prétendue sécurité, il s'agit en réalité d'économiser des escortes policières", estime dans un communiqué l'ordre des avocats de Paris, exigeant le démantèlement "total" des box. Christian Saint-Palais, président de l'Association des avocats pénalistes, promet lui une journée de mobilisation lundi 23 avril, jour des premières audiences en correctionnelle.

  • La sécurité au détriment de la fluidité ?

"Vous êtes priés de bien vouloir vous présenter au moins une heure avant l'horaire indiqué sur la convocation compte tenu du plan vigipirate en vigueur", s'est vu notifier une avocate du barreau des Hauts-de-Seine dans un courrier publié sur Twitter. "Pour accéder aux services judiciaires nécessaires à l'exercice de leur profession, les avocats devront passer des sas tous les 10 mètres et même plusieurs fois par étage, refermer rapidement les deux portes qui déclenchent une sirène hurlante insupportable, ne pas s'inquiéter s'ils attendent longtemps car 'ils ne resteront pas toute la journée'", énumère  Laure Heinich dans une tribune intitulée "Le nouveau tribunal de Paris, cette belle victoire du terrorisme", publiée par l'Obs.

  • L'adieu au charme du cœur de Paris…

Au-delà des aspects pratiques, la modernité du quartier des Batignolles suscite un pincement au coeur chez des avocats habitués du Quai de l'Horloge et sa vue sur la Seine. Sur les réseaux sociaux, de nombreux clichés "d'adieu" aux colonnes de l'ancien Palais ont fleuri toute la semaine dernière. Ces derniers ont reçu le soutien de l'ex-avocat et garde des Sceaux Robert Badinter, interrogé par Paris Match : "Je suis attaché à l'île de la Cité comme le lierre l'est à l'arbre. Mes racines judiciaires sont là", confie-t-il. Et de prédire : "Cette transplantation ne sera pas facile. L’emplacement du nouveau Palais, loin du cœur de Paris, posera problème."