Le juge à nouveau indispensable pour prolonger une détention provisoire

Un débat contradictoire devant le juge est désormais obligatoire avant que le prévenu ne soit placé en détention provisoire. © JACQUES DEMARTHON / AFP
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avec AFP

Pendant le confinement, une ordonnance a permis l'allongement de la durée maximale de la détention de deux à six mois, sans débat devant le juge. Mais suite à de nombreuses critiques, le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire a rétabli samedi l'obligation d'un débat contradictoire devant le juge avant la mise en détention provisoire. 

À partir de lundi, il faudra à nouveau un débat contradictoire devant le juge pour prolonger une détention provisoire, selon un amendement qui met fin à l'une des dispositions les plus décriées de l'état d'urgence sanitaire.

Une ordonnance adoptée le 25 mars rendait possible l'allongement de la durée maximale de la détention provisoire de deux à six mois en fonction de la gravité de l'infraction reprochée, de plein droit et sans débat contradictoire devant le juge. 

 

Cette prolongation "automatique" de la détention provisoire, qui concerne des prisonniers pas encore jugés et donc présumés innocents, avait provoqué une levée de boucliers d'avocats, qui jugeaient la mesure attentatoire aux droits de la défense, et l'inquiétude de magistrats.

Le délai de la détention provisoire réduit

Pour la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, cette prolongation des délais décidée en plein confinement visait à "éviter que puissent être remises en liberté des personnes qui potentiellement pourraient être dangereuses". La ministre avait annoncé fin avril la levée de cette mesure avec la fin du confinement.

Selon le projet de loi de prolongation de l'état d'urgence sanitaire, adopté par le Parlement samedi, "la prolongation de plein droit des délais de détention provisoire (...) n'est plus applicable". "Les détentions ne peuvent être prolongées que par une décision de la juridiction compétente prise après un débat contradictoire". 

De plus, lorsqu'une détention provisoire a été prolongée de plein droit de six mois, il faut que cette prolongation soit validée par un juge des libertés et de la détention. Si la décision du juge n'intervient pas dans les trois mois, "la personne est remise en liberté".

"Vous dégradez l’état de droit !"

Les débats ont été houleux à l'Assemblée nationale jeudi soir. "Cessez de dire n'importe quoi!", a déclaré le député LFI Ugo Bernalicis à la garde des Sceaux. "Vous dégradez l’état de droit !", a-t-il accusé. "Vos propos sont absolument infamants et inacceptables", a répondu Nicole Belloubet.

Le 3 avril, le Conseil d'État avait rejeté un recours contre cette disposition. "C'est la première fois depuis 1793 que des personnes vont rester en détention par la volonté du législateur et non par celle du juge", s'était alors ému Louis Boré, l'avocat du Conseil national des barreaux.