Le délit de blasphème existe-t-il en droit français ?

"Charlie Hebdo" a récemment republié des caricatures de Mahomet en Une.
"Charlie Hebdo" a récemment republié des caricatures de Mahomet en Une. © Charlie Hebdo
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Roland Perez
Après l'assassinat de Samuel Paty, un enseignant qui avait présenté à ses élèves les caricatures de Mahomet publiées dans "Charlie Hebdo", l'avocat Roland Perez fait le point sur Europe 1 : existe-t-il un délit de blasphème en droit français ? 

Après l’onde de choc dans toute la France et dans le monde, suscitée par l’assassinat de l'enseignant Samuel Paty, qui avait montré des caricatures de Mahomet à une classe de collégiens, l'avocat Roland Perez fait le point : le délit de blasphème existe-t-il en France ? 

Seules l'injure et la diffamation poursuivies

Un petit rappel étymologique, tout d’abord. A l'origine, blasphémer signifiait mal parler de quelqu’un, comme l’injurier par exemple, ou le calomnier. Ensuite, la signification a évolué pour ne plus concerner que l’injure d'un fait religieux. On parle d'un outrage à la divinité, à la religion ou encore une irrévérence à ce qui est considéré comme sacré.Hormis dans les pays qui adoptent une religion d’Etat et ou la loi est encadrée par les préceptes de cette religion, le délit de blasphème n’existe pas. En France, c'est la Révolution française qui a mis fin a tout délit de blasphème, en consacrant la liberté d’expression, corollaire des libertés d’opinion et de croyance consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme. 

Depuis 1905, il y a en France une séparation des églises et de l’état, ce qui confirme l’absence d’incrimination du blasphème : seules l’injure et la diffamation contre des groupes religieux sont sanctionnées. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer ou dessiner librement sauf a répondre de l’abus de cette liberté. Ce sont alors des cas de diffamation ou d’injure contre des personnes dénommées ou groupe de personnes, mais pas contre une religion.

Charlie Hebdo relaxé à deux reprises

D'ailleurs, en 2007, à l’occasion de la publication dans Charlie Hebdo des caricatures du prophète Mahomet, publiées initialement dans un journal danois, le journal satirique avait été relaxé des poursuites engagées devant le tribunal correctionnel par la grande mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France et même la Ligue islamique mondiale. Le journal était aussi poursuivi pour la  couverture, un dessin de Cabu qui représentait le prophète disant "C’est dur d’être aimé par des cons", dans une référence aux intégristes religieux. Les poursuites avaient été engagées pour injure envers un groupe de personnes en raison de sa religion. Et la  justice a, par deux fois, relaxé Charlie Hebdo en ne retenant pas le délit de blasphème au demeurant inexistant dans notre législation.