L'affaire Sarrasin : meurtre au temps du Minitel rose

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Un minitel (image d'illustration) © AFP
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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, Jacques Dufour, avocat, revient sur le meurtre de Sébastien Faisant, victime dont il représentait la famille lors du procès, dans les années 1990.

C'est une époque où Meetic et les autres sites de rencontres n'existaient pas. Une époque où le Minitel rose était le roi. En 1995, le corps de Sébastien Faisant est découvert. Il a été sauvagement assassiné. On découvre, peu de temps après, qu'il avait pris rendez-vous pour un moment câlin avec un couple, qui, en réalité, lui a tendu un piège. Chez Christophe Hondelatte lundi, Jacques Dufour, avocat de la famille de Sébastien Faisant, revient sur cette affaire.

"Ils n'ont aucune raison de le supprimer". Le 13 octobre 1995, le corps d'un étudiant de 21 ans, Sébastien Faisant, est découvert dans un fossé, à Montagnat dans l'Ain. Le cadavre, tué de 4 balles et égorgé, a été découvert près d'un bois, réputé pour être un lieu d’échangisme. Lorsque les gendarmes interrogent le frère de la victime, il confirme. Oui, son frère fréquentait ce genre de milieu et il faisait régulièrement des rencontres grâce au Minitel rose. Alors, tout naturellement, les policiers se lancent sur cette piste. Grâce à France Télécom, ils découvrent que le 12 octobre, Sébastien Faisant avait rendez-vous avec "Bruno et Chantal", qui s'avèrent en réalité être Danielle Doyonnas et Patrick Sarrasin. Le couple n'est pas arrêté, mais d'abord placé sur écoute.

 

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Deux mois après, alors que Danielle Doyonnas et Patrick Sarrasin s'apprêtent à se marier, ils sont arrêtés, leur domicile perquisitionné. L'opération est fructueuse : on retrouve plusieurs armes à feu et un couteau, encore ensanglanté, et des dizaines de magazines et de cassettes pornographiques, achetés au sex-shop où travaillait Sébastien Faisant. Danielle Doyonnas et Patrick Sarrasin avouent immédiatement. Le 12 octobre, ils ont donné rendez-vous à 2 heures du matin à Sébastien Faisant, dans le bois près de Montagnat. Danielle Doyonnas doit servir d’appas. Une fois menotté et pris au piège, le couple soutire à Sébastien ses codes de carte de crédit. Leur butin ? 100 francs. Une vie volée, pour 100 petits francs (15 euros). C'est Patrick Sarrasin qui a tué le jeune homme. Mais pourquoi l'avoir assassiné une fois le vol accompli ? "C'est une question bien compliquée, à laquelle personne n'a su apporter de réponse", déplore Jacques Dufour, avocat de la famille de Sébastien Faisant. "Ils ont les 100 francs pris sur lui, ils ont ses codes de carte bleue. À priori, ils n'ont aucune raison de le supprimer, mais c'est ce qu'ils ont fait", indique Maître Dufour.

Le meurtre de Gilles Doyonnas. Devant ce meurtre sauvage et gratuit, les gendarmes se disent que ce n'est sans doute pas le coup d'essai de Danielle Doyonnas et Patrick Sarrasin. Est-ce qu'ils n'en auraient pas tué d'autres ? Alors, les autorités se renseignent, notamment au sujet de l'ex-mari de Danielle Doyonnas, Gilles Doyonnas, mort dans un accident de voiture. Son corps est exhumé, une autopsie pratiquée, au cours de laquelle on découvre une balle dans la tête du cadavre. Là aussi, le couple passe immédiatement aux aveux.

Le soir du 4 juin 1994, Gilles Doyonnas rentre chez lui, après une journée de travail. Danielle Doyonnas lui sert un whisky rempli de somnifères. Patrick Sarrasin, caché sous le lit, sort de sa cachette une fois Gilles Doyonnas endormi, pour passer à l'action. Il lui colle un oreiller sur la tête et lui tire dans le conduit de l'oreille, pour qu'il n'y ait pas de traces du coup de feu. Patrick Sarrasin charge ensuite le corps de Gilles Doyonnas dans sa voiture, se rend au col du Berthiand, avant un virage un peu serré, et pousse la voiture dans le ravin. Ils pensaient avoir réalisé le crime parfait, mais un an plus tard, la vérité finit par les rattraper.

"Il n'avait absolument pas d'affect". Le 30 novembre 1999 s'ouvre le procès de Patrick Sarrasin et Danielle Doyonnas. Cette dernière a choisi sa ligne de défense : elle a été manipulée par son mari. "C'est ce qu'elle a soutenu tout au long de l'instruction et du procès", indique Jacques Dufour. "Mais la cour ne s'y est pas trompée et il est apparu qu'elle avait eu un rôle très actif : elle l'a suivi sans rechigner et sans hésitation". Danielle Doyonnas, elle, écope de 30 ans de prison pour complicité. Quant à Patrick Sarrasin, il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. "C'est un personnage inquiétant, il faisait peur", se souvient l'avocat de la famille de Sébastien Faisant. "Il a expliqué ce qu'il avait pu faire avec un détachement inquiétant. Il n'avait absolument pas d'affect, c'est ce qui a marqué les esprits."