L’Académie de médecine réservée sur la PMA pour toutes : "Il y a des risques qu’on ne peut pas négliger", argumente Jean-François Mattei

jean-françois mattei 2:00
  • Copié
, modifié à
Le vice-président de l’Académie nationale de médecine a justifié lundi sur Europe 1 les sérieuses réserves émises par son organisme vis-à-vis de l’élargissement de la PMA à toutes les femmes.
INTERVIEW

L’Académie nationale de médecine a bien choisi son moment. Samedi, à seulement trois jours de l’examen à l’Assemblée du projet de loi bioéthique, qui comprend la controversée PMA pour toutes, la société savante a publié un rapport qui a fait l’effet d’une (petite) bombe. "La conception délibérée d'un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n'est pas sans risques pour le développement psychologique et l'épanouissement de l'enfant", assène l'Académie de médecine.

"Nous pensons qu’il y a des risques qu’on ne peut pas négliger", a justifié lundi matin sur Europe 1 Jean-François Mattei, vice-président de l’Acamédie nationale de médecine.

Alors qu’Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a qualifié cet avis de daté, Jean-François Mattei s’est défendu de tout conservatisme. "Je ne pense pas non plus qu’il soit tout à fait réactionnaire de constater que les hommes possèdent un chromosome Y et que les femmes n’en n’ont pas", a ironisé celui qui fut lui-même ministre de la Santé entre 2002 et 2004. "Et que pour faire un enfant, il est admis que l’espèce humaine est une espèce animale à reproduction sexuée. C’est-à-dire deux sexes".

"Quand on annonce des changements de société et qu’on n’est pas d’accord, on peut le faire savoir"

A l’entendre donc, il y aurait des risques pour l’enfant qui serait élevé sans père. "Les psychiatres, les pédopsychiatres et les psychologues, en très grande majorité, nous disent : ‘nous serions bien en peine de dire dans le détail ce qu’apporte la présence d’un père, mais en revanche, nous savons parler des conséquences de l’absence d’un père’", a affirmé Jean-François Mattei. "Quand il n’y pas de père biologique, qu’il n’y a pas de père social, qu’il n’y a pas de père parent, on est quand même dans une situation qui est nouvelle. C’est pour ça que nous parlons d’une rupture anthropologique. Et nous sommes dans l’inconnu", a-t-il insisté.

L’ancien ministre pense que certains de ses collègues refuseront d’ailleurs d’appliquer la PMA pour toutes. "Je pense qu’un certain nombre de médecins évoqueront la clause de conscience", a-t-il prédit. S’il assure qu’il n’ira pas lui-même défiler, Jean-François Mattei semble ne pas voir d’un mauvais œil les manifestations annoncées pour s’opposer au projet de loi. "Quand on annonce des changements de société et qu’on n’est pas d’accord, on peut le faire savoir", a-t-il fait valoir. "J’ajoute qu’on manifeste pour les retraites, pour le climat, pour les fins de mois... Je trouverais assez curieux qu’on ne manifeste pas pour s’opposer ou pour faire savoir que les enfants sans père, dans une société comme la nôtre, ça n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux à faire."