La répression des fraudes épingle les pratiques abusives des Ehpad privés

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Dans les cas les plus graves de fraudes, 17 procès-verbaux ont été dressés. (Illustration) © JEFF PACHOUD / AFP
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avec AFP
La répression des fraudes a mis en lumière les pratiques commerciales irrégulières pratiquées par une grande majorité des Ehpad privés. Dépôt de garantie disproportionné, pratiques trompeuses, mensonges ou encore clauses abusives : les services de la répression des fraudes appellent les familles à la prudence.

Des "plats maison" mais industriels, un "jardin thérapeutique" qui se résume à quelques pots de fleurs, un affichage trompeur des prix: la majorité des Ehpad privés ont des pratiques commerciales irrégulières, ont pointé jeudi les services de la répression des fraudes, qui appellent les familles à la "vigilance". 

Les "anomalies" soulevées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne portent pas sur d'éventuels défauts de soins ou maltraitances tels que ceux dénoncés dans le livre-enquête "Les Fossoyeurs" de Victor Castanet, mais uniquement sur les pratiques commerciales des maisons de retraite privées à but lucratif.

Des clauses déséquilibrées

De 2019 à 2021, les services anti-fraude ont mené près d'un millier de contrôles dans des établissements ou des sièges sociaux de groupes d'Ehpad. Bilan: "Plus d'un établissement sur deux présente au moins une non-conformité", a dénoncé la DGCCRF dans un communiqué. Parmi les anomalies relevées, les inspecteurs citent des clauses déséquilibrées dans les contrats de séjour --comme l'exigence d'un dépôt de garantie "disproportionné"--, ou une "discordance" entre les tarifs affichés sur internet et ceux réellement pratiqués.

Le plus souvent, la différence est minime, mais elle peut atteindre 10 euros par jour, indique à l'AFP Rémy Slove, le porte-parole de la DGCCRF, pour qui "le consommateur doit disposer d'une information loyale sur les prix pour rechercher un établissement et faire jouer la concurrence". Le bilan des contrôles fait également état de "pratiques commerciales trompeuses", comme ces établissements qui vantent leur "jardin thérapeutique" --en fait "de simples bacs pour faire du jardinage"--, ou qui promettent une chambre avec vue sur le jardin, donnant en fait côté parking.

D'autres mettent en avant une salle de gymnastique… qui n'existe pas, ou mentent sur le nombre réel d'heures de présence d'un psychologue ou d'une ergothérapeute dans les murs de l'établissement.

De la pédagogie corrective à la prise de sanctions

Rémy Slove cite aussi ces Ehpad qui, après le décès d'un résident, se font tirer l'oreille pour rembourser aux familles des sommes payées d'avance, ou qui facturent un supplément pour le simple branchement d'un téléviseur dans la chambre. Dans leur grande majorité, les manquements constatés ne sont pas très graves et le plus souvent, après rappel à l'ordre, les établissements "se mettent rapidement en conformité", selon le porte-parole. Dans de tels cas, la DGCCRF fait donc preuve d'indulgence, en privilégiant des "suites pédagogiques et correctives".

En revanche, des sanctions ont été prises "dans les cas les plus graves": 17 procès-verbaux ont été dressés, concernant notamment les prix, des "clauses abusives" ou autres "pratiques déloyales". Or un certain nombre d'anomalies "peuvent être repérées avant la signature du contrat", relève le porte-parole de la DGCCRF, qui appelle les familles à "visiter au préalable, à poser des questions, et à signaler les problèmes" sur le site signal.conso.gouv.fr.

Pour Claudette Brialix, présidente de la FNAPAEF, une association regroupant plusieurs centaines de familles de résidents en Ehpad, certains établissements, certes minoritaires, pratiquent effectivement une forme d'"affichage malhonnête". "Quand vous visitez un Ehpad, c'est comme dans certains hôtels, vous avez un accueil rutilant et on vous montre une chambre témoin épatante. Et vous n'allez pas voir la réalité dans les étages", relève Mme Brialix.

Et c'est souvent dans l'urgence que les familles recherchent une solution pour leur parent âgé: dans une telle situation, "on est prêt à croire n'importe quoi, et on croit à tort que, si on paye plus cher, ça sera mieux", observe la responsable associative. Pour limiter les problèmes, les familles doivent absolument "poser des questions" avant de choisir un établissement, notamment sur le taux de personnel au chevet de leur proche.

Quant aux contrôles, "c'est très bien que la DGCCRF dénonce ces anomalies, mais quelle suite les pouvoirs publics vont-ils donner à tout cela?", s'interroge-t-elle. Dans ce secteur, "il faudrait un nouveau scandale pour que les choses bougent", dit-elle, en référence au livre de Victor Castanet qui a jeté une lumière crue sur les pratiques en Ehpad.