Paul Bocuse, Gaston Lenôtre, Roger Verge et Michel Guérard, Paris ARCHIVE / AFP 3:04
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La "nouvelle cuisine" est née en 1973 avec les journalistes Henri Gault et Christian Millau et a été popularisée sous le mandat de Valérie Giscard d’Estaing. Laurent Mariotte et son équipe sont revenus sur ce mouvement culinaire qui a marqué la gastronomie française dans l’émission "La table des bons vivants" sur Europe 1.

C’est un mouvement culinaire qui a durablement marqué la gastronomie française. La "nouvelle cuisine", née en 1973 sous l’impulsion des célèbres critiques gastronomiques Henri Gault et Christian Millau, s’est popularisée dans la seconde moitié des années 1970, pendant le mandat de Valéry Giscard d’Estaing. Laurent Mariotte et son équipe sont revenus ce mouvement culinaire, samedi dans l’émission La table des bons vivants sur Europe 1.

La "nouvelle cuisine", le Mai-68 de la cuisine

"La nouvelle cuisine représente l'évolution de la cuisine dans les années 1970, c'est le mai 68 de la cuisine, c'est la liberté", assure le chef Yves Camdeborde. "Il faut se remettre dans le contexte de l'après-guerre, où on avait été privés de produits de luxe. On est alors tombé dans un excès de gras, le foie gras, les viandes faisandées, les marinades. Donc on était dans une cuisine lourde. Et une bande de cuisiniers, grâce à deux grands journalistes, déclenche tout un mouvement de liberté".

Cette "nouvelle cuisine" est en fait née d’une rencontre entre Paul Bocuse et les journalistes Henri Gault et Christian Millau, à l'origine du célèbre guide gastronomique. "Gault et Millau avaient mangé chez Bocuse le midi, il leur avait fait un repas le midi avec du beurre et de la crème à profusion et ils n'en pouvaient plus. Ils ont passé l'après-midi à avoir ça sur l'estomac et le soir, ils lui ont demandé de faire un truc ultra-léger. Et il leur a fait des haricots verts croquants et des rougets mi-cuits", détaille Laurent Mariotte.

"C'est ce rapport entre le journaliste et le cuisinier qui a fait exploser cette nouvelle cuisine, parce qu'ils se sont rendus compte qu'il n'y a rien de meilleur que les saveurs originelles du produit. C'est la cuisson au plus près du produit, la simplicité", ajoute le chef Yves Camdeborde.

Les dix commandements de la "nouvelle cuisine"

La "nouvelle cuisine" a ensuite été adoptée par treize grands chefs, dont les frères Troisgros, Gaston Lenôtre, Paul Bocuse ou encore Michel Guérard. Ils ont même rédigé les "dix commandements" de ce mouvement culinaire, dont Laurent Mariotte donne la liste : "Tu utiliseras des produits frais et de qualité. Tu allégeras ta carte, parce c'est vrai que c'était des cartes à rallonge un petit peu à l'époque. Tu éviteras marinades, faisandage et fermentation. Tu élimineras les sauces riches, donc c'est vrai qu'on veut alléger. Mais les sauces allégées de l'époque sont encore presque trop lourdes pour aujourd'hui. Tu n'ignoreras pas la diététique".

"La nouvelle cuisine a aussi opéré des changements dans le domaine du vin", précise la journaliste Ophélie Neiman. "Chacun de ces chefs avait sa région de prédilection. Alors qu'on était plutôt dans une mode du Bordeaux et de vins peu fruités, très boisés, très tanniques, on a vu émerger le Beaujolais, qui n'existait pas trop avant. Et là tout d'un coup les vins du Rhône sont devenus de grands vins alors qu'avant c'était le petit vin de comptoir. Et on est allé vers des vins de plus en plus fruités et à boire jeunes."

"La cuisine va continuer d’évoluer"

Le chef trois étoiles Michel Guérard, l’un des précurseurs, a évoqué ce mouvement au micro de La table des bons vivants. "Le terme nouvelle cuisine dans son orthographe a été créé au 18ème siècle. C'est intéressant de voir que la cuisine française a toujours été novatrice. C'est une cuisine qui évolue à une époque un peu plus sanitaire, un peu moins débordante de gras et de toutes sortes de choses comme ça, qui la rendait presque parfois indigeste", rappelle-t-il.

"La cuisine va continuer d'évoluer, de se singulariser. La cuisine, avec ses émissions de télévision, fait que les gens s'intéressent à cette démarche. C'est une très bonne chose. Alors aujourd'hui on n'échappe pas aux modes, c'est le grand problème de la cuisine. Un cuisinier devient un grand cuisinier quand il est parvenu à échapper justement aux modes et qu'il devient son propre classique."