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La complaisance envers Gabriel Matzneff, accusé de pédophilie, "dit quelque chose de la France"

Margaux Baralon . 3 min

L'écrivain Gabriel Matzneff est rattrapé par des affaires de pédophilie alors que sort le livre témoignage de l'une de ses anciennes relations, 14 ans à l'époque. Pour Denise Bombardier, auteure québécoise qui a dénoncé ses agissements en 1990 et était invitée sur Europe 1 vendredi, la France a mis beaucoup de temps à s'emparer de la question de la pédocriminalité.

C'est l'affaire qui agite le milieu littéraire depuis quelques jours. Le 2 janvier sort Le Consentement (éd. Grasset), livre témoignage de l'éditrice Vanessa Springora dans lequel cette dernière raconte comment, dans les années 1980, alors qu'elle était âgée d'à peine 14 ans, elle a succombé au charme de Gabriel Matzneff. Cet écrivain ne cachait alors pas son "goût" pour les très jeunes gens, garçons et filles, et s'est même longuement étendu sur la question dans un essai au titre sans équivoque, Les moins de seize ans. La sortie du livre de Vanessa Springora relance les débats autour de la pédocriminalité et de ce qui, selon l'époque, a pu être acceptable ou non. 

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"Tous vos monstres sacrés" ont soutenu la décriminalisation de la pédophilie

À l'époque justement, alors que le milieu littéraire déroulait le tapis rouge à Gabriel Matzneff, une femme l'a confronté. C'était en 1990, sur le plateau d'"Apostrophes", l'émission de Bernard Pivot. Denise Bombardier est une auteure canadienne, et c'est selon elle ce qui lui a permis d'être quasiment la seule à s'opposer à l'écrivain. "J'étais décalée", raconte-t-elle aujourd'hui à Europe 1.

Chez elle, au Québec, la pédocriminalité était bien considérée dans les esprits comme dans la loi comme un crime. En France, "je savais qu'il y avait eu une pétition signée par Beauvoir, Sartre, tous vos monstres sacrés du 20e siècle en philosophie, et même Jack Lang, pour décriminaliser les rapports entre les enfants et les adultes, sous prétexte qu'il fallait jouir sans contrainte"

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La complaisance envers Gabriel Matzneff, donc, "dit quelque chose de la France", selon elle. De fait, cette tribune libre que Denise Bombardier évoque avait été publiée en 1977 à la une du Monde, et réclamait la relaxe de trois hommes poursuivis pour des rapports sexuels avec des filles et des garçons de 13 et 14 ans. 

 

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Ce jour de 1990 à la télévision, Denise Bombardier était bien seule pour interpeller Gabriel Matzneff. "J'étais là pour le faire car j'avais lu son livre. J'avais prévenu mon éditeur qui m'avait, lui, à son tour, prévenu en disant que ça allait nuire à [ma carrière]", se souvient-elle. "Je lui ai dit que je ne pourrais pas me regarder dans le miroir si je ne disais pas un mot. Dans [son] livre, [Gabriel Matzneff] décrivait en détail comment il sodomisait les petites filles." Et l'écrivain ne s'est jamais caché derrière la fiction. Il a toujours assumé le caractère autobiographique de ses écrits. "Cela se savait. Mais bien évidemment on le décrivait comme l'un des plus grands, un monument de la littérature française du 20e siècle", s'insurge encore aujourd'hui Denise Bombardier.

Reçue par Mitterrand

Après son passage dans "Apostrophe", la Québécoise dit avoir reçu "2.000 lettres de Français pour m'appuyer". "Mais j'ai aussi reçu des lettres d'insultes. Jacques Lanzmann [écrivain et peintre français] qui dit qu'il n'a pas compris pourquoi notre ami Matzneff ne [m']a pas balancé une gifle à la figure. [Philippe] Sollers a dit que j'étais une mal-baisée. C'est comme ça que j'ai été traitée." 

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Denise Bombardier a également été "convoquée" à l'Élysée par François Mitterrand, qu'elle connaissait personnellement... et qui lui a fait part de son soutien. "Il avait un message à passer, il m'a dit : 'Ah, ce Matzneff. Il est vrai que je lui ai reconnu à une certaine époque quelque talent mais malheureusement il a sombré dans la pédophilie'." L'auteure canadienne assure que "c'est la seule fois que l'Élysée a publié un communiqué officiel disant que Denise Bombardier avait été reçue à l'Élysée. C'est dire s'ils voulaient se détacher de ça".

Saluant un livre "magnifique, courageux" de Vanessa Springora, Denise Bombardier estime que c'est désormais aux "Français de prendre une décision" concernant les suites judiciaires à donner à cette affaire. "De toute façon, je ne sais plus ce qu'il reste de Matzneff après ce qui vient d'arriver." L'écrivain, âgé de 83 ans, a publié ses derniers écrits en 2017.