Des syndicats de magistrats et d'avocats ont dénoncé mercredi la réaction du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti après une épreuve de karting à la prison de Fresnes y voyant "une communication démagogique et sécuritaire dictée par l'extrême droite". Organisé fin juillet dans la prison du Val-de-Marne, un événement baptisé "Koh Lantess", inspiré du jeu télévisé Koh Lanta, comprenant notamment une épreuve de karting dans l'enceinte de l'établissement, a suscité une très vive controverse, venue en particulier de l'extrême droite et de la droite, après des images diffusées sur les réseaux sociaux.
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En visite mardi à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne), le garde des Sceaux a affirmé que s'il avait su qu'"une compétition de karting était organisée, (il aurait) mis un veto très clair" à cette initiative. Dans la foulée, le ministre de la Justice a annoncé sur Twitter la publication d'une circulaire pour fixer "les conditions nécessaires à la tenue de projets de réinsertion en prison", désormais "soumis à une validation expresse de la direction de l'administration pénitentiaire".
A la suite du rapport d’enquête, je vais prendre une circulaire pour fixer clairement les conditions nécessaires à la tenue de projets de réinsertion en prison. Ils devront désormais tous être soumis à une validation expresse de la direction de l’administration pénitentiaire. https://t.co/OqGMZqGKUz
— Eric Dupond-Moretti (@E_DupondM) August 23, 2022
Le ministre agite "le mythe populiste de la prison 'club med'"
"Deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour le caractère indigne et dégradant des conditions de détention dans ses établissements pénitentiaires, dont celui de Fresnes, et alors que les rats et punaises de lit y courent toujours, nos organisations s'indignent de ce que le garde des Sceaux s'émeuve d'une action de réinsertion", ont réagi dans un communiqué commun le Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), le Syndicat des avocats de France (SAF) et l'Association nationale des juges de l'application des peines (Anjap).
Le ministre a choisi "d'agiter le mythe populiste de la prison 'club med', trop confortable ou récréative, plutôt que de rappeler la réalité carcérale que vivent au quotidien les 72.000 personnes détenues ainsi que les personnels pénitentiaires dans les prisons françaises", s'offusquent les signataires dans un communiqué.
Quand un ministre sans totem d'immunité se retrouve à la dérive sur les berges du RN, il n'hésite pas à sacrifier certains principes : de la réinsertion des condamnés à la responsabilité de son administration, plus rien ne l'arrête. Notre CP commun ⤵️ pic.twitter.com/Puum0ywDp6
— SMagistrature (@SMagistrature) August 24, 2022
Des événements régulièrement organisés
"Le garde des Sceaux, dont nous aurions attendu un rappel apaisé du sens de la peine et du travail carcéral, fait fi des objectifs de la peine affirmés dans l'article 707 du code de procédure pénale : la prévention de la récidive et la protection de la société, qui ne peuvent se départir de la réinsertion du condamné", estiment SM, SAF et Anjap.
De nombreux événements sportifs ou culturels sont régulièrement organisés dans les prisons. Ainsi, à Fresnes, en avril, des détenus ont participé à un concert avec l'orchestre philharmonique de Radio France.