Emmanuel Macron a rendu un hommage national à l'avocate féministe Gisèle Halimi et ouvre la voie à une "constitutionnalisation" de l'IVG. 1:25
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avec AFP , modifié à
Dans un discours prononcé à l'occasion de l'hommage nationale rendu à l'ancienne avocate et militante féministe Gisèle Halimi, le président Emmanuel Macron a annoncé le lancement "dans les prochains mois" d'un projet de loi visant à inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution.

Emmanuel Macron a rendu mercredi un hommage national à l'avocate féministe Gisèle Halimi à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, annonçant la prochaine présentation d'"un projet de loi" pour inscrire l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. "Les avancées issues des débats parlementaires (...) permettront je le souhaite, d'inscrire dans notre texte fondamental cette liberté dans le cadre du projet de loi portant révision de notre Constitution qui sera préparée dans les prochains mois", a déclaré le chef de l'Etat lors de cet hommage au Palais de justice de Paris.

Emmanuel Macron a ainsi ouvert la voie à une "constitutionnalisation" de l'avortement par un vote des deux chambres réunies en Congrès plutôt que par un référendum. Le Sénat à majorité de droite a voté le 1er février en faveur de l'inscription dans la Constitution de la "liberté de la femme" de recourir à l'IVG, une formulation qui abandonne la notion de "droit" privilégiée par la gauche, mais qui a quand même été saluée comme une "avancée majeure".

"Elle a porté la cause de l'indépendance algérienne"

Le président a rendu un hommage national à Gisèle Halimi, militante emblématique de nombreux combats de la seconde moitié du XXe siècle, des indépendances aux droits des femmes, mais qui demeure l'objet de polémiques, notamment du côté des nostalgiques de l'Algérie française. "Elle a porté la cause de l'indépendance algérienne. Elle fut la procureure de ce que les autorités françaises de l'époque faisaient de la manière dont elles le faisaient", a relevé le chef de l'État, en présence de son prédécesseur François Hollande, des plus hautes autorités judiciaires du pays et de ministres ou anciens ministres, en rappelant le combat de Gisèle Halimi contre la torture en Algérie.

"Si aujourd'hui la guerre d'Algérie a quitté les prétoires, elle doit maintenant prendre toute sa place dans notre mémoire ici en France et aussi en Algérie", a poursuivi le chef de l'État, sans se prononcer sur une éventuelle entrée au Panthéon de la militante.

"Les deux Simone"

Cette entrée dans le temple des figures de la République, de Jean Moulin à Simone Veil, a été préconisée par l'historien Benjamin Stora parmi les pistes susceptibles de sceller la réconciliation des mémoires entre la France et l'Algérie et à l'intérieur de la société française. Mais elle est vue d'un très mauvais oeil à droite et l'extrême-droite de l'échiquier politique. L'étude du dossier est toujours "en cours", a toutefois assuré l'Élysée face aux inquiétudes de voir l'hommage national enterrer le projet de "panthéonisation" de Gisèle Halimi.

"Dignité, conscience, indépendance, humanité (..) ces mots, ce sont les siens, ce sont les vôtres, ce sont ceux de la République", a encore lancé Emmanuel Macron dans la salle d'audience de la Première chambre de la Cour d'appel de Paris où les avocats du barreau de Paris prêtent traditionnellement serment. Avant le chef de l'Etat, son fils aîné, Jean-Yves Halimi, a aussi rendu un vibrant hommage à sa mère, saluant à travers cet hommage son "entrée dans l'histoire".

"Tu rejoins au Panthéon de notre récit national les deux Simone, de Beauvoir et Veil, tes soeurs de lutte et tes amies personnelles", a-t-il dit. Un autre de ses fils, le journaliste Serge Halimi, a boycotté l'hommage, déplorant qu'il intervienne en pleine mobilisation contre une réforme des retraites "extrêmement injuste", que sa mère aurait selon lui combattue.

"Instrumentalisation"

Même boycott pour Violaine Lucas, présidente de l'association "Choisir la cause des femmes" cofondée par Gisèle Halimi en 1971, qui dénonce une "instrumentalisation politique". Plusieurs manifestations féministes organisées ce 8 mars ont d'ailleurs été axées contre cette réforme contestée. "Ce procès qui est fait n'engage que ses auteurs", a répondu un conseiller d'Emmanuel Macron, qui n'a lui-même pas fait allusion à la polémique. La ministre déléguée Isabelle Rome a pour sa part estimé que Gisèle Halimi "aurait apprécié" le plan pour l'égalité entre les femmes et les hommes qu'elle a présentés à l'occasion du 8 mars.

Parmi la centaine de mesures prévues figurent le doublement du nombre de Maisons des femmes, structures d'aide aux victimes de violences, mais aussi la création de "pôles spécialisés" dans les violences conjugales au sein des tribunaux. Décédée le 28 juillet 2020 à 93 ans, Gisèle Halimi s'est illustrée après la guerre d'Algérie dans le combat pour le droit à l'IVG.

Militante pour le remboursement de l'IVG

En 1972, lors d'un procès retentissant à Bobigny (Seine-Saint-Denis), elle avait notamment obtenu la relaxe d'une mineure poursuivie pour avortement après avoir été victime d'un viol, ouvrant la voie à la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse. Élue députée en 1981, elle avait poursuivi ce combat à l'Assemblée nationale, cette fois pour le remboursement de l'IVG, finalement voté en 1982.