Interdiction du port du voile lors des sorties scolaires : "C'est d'une violence inouïe de dire à un enfant que sa mère n'est pas légitime à l'école"

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Pierre Herbulot, édité par Maxime Dewilder
Le Sénat examine lundi le projet de loi d'interdiction du port du voile pour les mamans accompagnatrices de sorties scolaires. Sur Europe 1, des mères voilées témoignent et un professeur prend leur défense. 
TÉMOIGNAGE

Les sénateurs français débattent lundi sur une loi pour assurer la neutralité religieuse des personnes qui participent au service public d'éducation. Autrement dit et au regard du contexte actuel, la question est la suivante : faut-il interdire ou non aux mamans accompagnatrices de sorties scolaires de porter le voile ?

Un sondage Ifop paru dans le JDD dimanche montre que 73% des Français seraient favorables à l'interdiction. Et qu'en pensent les mères concernées ? "Je ne comprendrais pas forcément qu'on me le demande puisque je surveillerais de la même manière les enfants avec ou sans voile", estime l'une d'entre elles qui poursuit : "Si c'est pour des raisons d'hygiène ou autre en revanche, je comprendrais tout à fait, mais ce serait différent à ce moment-là".

"Du recul et de la tolérance"

Une autre mère juge que l'incompréhension et les préjugés amènent 73% Français à s'opposer au port du voile dans les sorties scolaires. Pour elle, "il y a beaucoup d'ignorance sur ce sujet et les gens ne comprennent pas forcément nos raisons de porter le voile. Je pense qu'il faut que ces personnes prennent du recul et il faut de la tolérance aussi".

"Je ne vois pas en quoi ça dérange ? La mère est là pour accompagner, elle ne fait pas partie du corps d'éducation nationale donc ça ne devrait pas poser de problème", s'interroge une autre tandis qu'une mère voilée analyse : "Si on se trouve dans un quartier à majorité musulmane et que les sorties sont annulées à cause du port du voile, ça va être problématique pour les enfants". Une dernière mère, plus âgée, regrette : "Franchement, ça me fait mal. La France est un pays de liberté. On a le droit d'être libre de ce qu'on porte. Là je vois que ce n'est pas possible, ça me déçoit".

"Un certain nombre de sorties scolaires ne pourront plus se faire"

Jimmy Markoum, lui, est professeur d'histoire à Saint-Denis (Île-de-France) et membre du syndicat SNES (Syndicat national des enseignements du second degré). Pour lui, la loi aurait un effet extrêmement néfaste dans les quartiers populaires. "Une grosse partie des accompagnants des sorties sont des parents d'élèves, notamment des mamans et, dans les quartiers populaires, des mamans voilées", commence-t-il.

Il explique : "La première conséquence très simple, c'est qu'un certain nombre de sorties scolaires ne pourront plus se faire". "La deuxième, c'est le climat auquel ça participe, c'est d'une violence inouïe de dire à un enfant que sa mère n'est pas légitime à l'école", estime ce professeur d'histoire.

"Comment défendre les valeurs républicaines en excluant une partie de la société d'une institution comme l'école ?"

Selon lui, les valeurs de l'éducation nationale elles-même seraient remises en cause avec l'interdiction du port de voile lors des sorties scolaires : "Comment dire ensuite à ces élèves que la république les protège ? Que les devises républicaines sont appliquées ? Comment, pour nous enseignants, défendre les valeurs républicaines en excluant une partie de la société d'une institution comme l'école ?"

"Pour nous, la question est un enjeu bien plus important qu'un bout de tissu sur la tête", conclut le professeur d'histoire.