La profession d'assistant sexuel n'est pas encore légalisée. Photo d'illustration. 7:58
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Antoine Terrel , modifié à
La secrétaire d'État Sophie Cluzel a indiqué cette semaine vouloir relancer le débat autour de la légalisation de l'assistance sexuelle pour les personnes en situation de handicap. Au micro d'Europe 1, Adeline, jeune trentenaire atteinte d'une forme de myopathie et ayant fait appel à un assistant, est revenue sur son expérience personnelle. "On ne peut pas considérer cela comme de la prostitution", assure-t-elle. 
TÉMOIGNAGE

La profession d'assistant sexuel pour les personnes handicapées sera-t-elle un jour légalisée et encadrée ? Le 9 février, sur Europe 1, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel s'est dit favorable à "ce qu'on puisse accompagner la vie intime des personnes en situation de handicap", et annoncé avoir saisi le Comité national consultatif d'éthique (CCNE) en ce sens. Une telle avancée est réclamée de longue date du côté de l'APPAS, l'Association pour la promotion de l'accompagnement sexuel, qui a formé depuis plusieurs années 18 aidants, dont quatre hommes. L'un d'eux, Fabrice, est venu témoigner sur Europe 1, en compagnie d'Adeline, une jeune femme handicapée qu'il a assistée. Par cette relation, assure cette dernière, "j'ai pu reprendre possession de mon corps". 

"Fabrice, ce n'est pas du sexe. C'est tout un ensemble"

Aujourd'hui âgée de 33 ans, Adeline en avait 25 lorsqu'elle a appris être atteinte du syndrome d'Ehlers-Danlos, une forme de myopathie. Une révélation qui va faire voler son couple en éclat. "Mon compagnon n'a pas su gérer et a préféré rompre. Puis je suis restée cinq ans sans avoir de relation sexuelle", témoigne-t-elle, confiant s'être sentie "très seule", et avoir ressenti "un manque affectif énorme". Décidée à faire appel à un "escort" pour "avoir un peu de tendresse", la jeune femme tombe au cours de ses recherches sur le site de l'APPAS, qui la met en relation avec Fabrice, un des quatre accompagnants masculins formés par l'association. 

Cette rencontre, explique Adeline, "a changé énormément de choses", tout d'abord en lui apportant "affection et écoute" par leurs premiers échanges, puis par l'assistance sexuelle prodiguée par Fabrice. "J'ai pu me reconnecter avec mon corps, et me dire qu'il était capable de me donner des choses agréables et de plaire encore", raconte-t-elle. Et de préciser : "Fabrice, ce n'est pas du sexe, c'est tout un ensemble".

Payer "permet de poser un cadre"

En 2013, le Comité national consultatif d'éthique avait rendu un avis défavorable aux assistants sexuels, au motif notamment qu'il n'était "pas possible de faire de l'aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain". Mais pour Adeline, le fait de payer Fabrice lui permet au contraire "de poser un cadre" et éviter un éventuel attachement amoureux. "Cela met des limites et fait qu'on peut pas se voir tous les matins", ajoute-t-elle, tandis que "Fabrice a fait en sorte que je puisse me détacher de lui, mais sans me heurter". "On ne peut pas considérer cela comme de la vulgaire prostitution", martèle Adeline. 

Cette première expérience avec un assistant sexuel lui a également permis d'avancer dans sa vie personnelle et amoureuse. "J"ai pu avoir envie de me faire jolie, de plaire à nouveau", explique-t-elle, précisant avoir par la suite retrouvé le courage de séduire un homme. "C'est le cœur de la  démarche des assistants sexuels", abonde Fabrice : "redonner confiance, retrouver de la féminité, et se rendre compte que le corps peut retrouver du plaisir et de la sensualité". "Cela fonctionne à chaque fois", précise-t-il, revenant sur la dizaine de femmes avec lesquelles il a travaillé.