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Jean-Rémi Baudot, Théo Maneval, Victor Dhollande et Shanel Petit, édité par Grégoire Duhourcau
La restitution du "grand débat" est prévue lundi, mais certains Français restent sceptiques quant à la suite des événements. Si leurs attentes concernent beaucoup de sujets, c'est la baisse des impôts qui revient le plus souvent.

C'est le clap de fin pour le "grand débat national", dont la restitution est prévue lundi. Un virage que le gouvernement est condamné à bien négocier, et notamment, Édouard Philippe, à qui il revient de conclure cette période. Tous les thèmes seront abordés, même ceux qui n'étaient pas prévus. "Il faut entendre ce que nous ont dit les Français", a rappelé le Premier ministre, vendredi.

Plus de 1,5 million de personnes ont participé directement. "Un tiers via le site, un tiers dans les réunions, un tiers par l'intermédiaire des cahiers ou de courriers", a précisé samedi Emmanuelle Wargon, l'une des deux ministres - avec Sébastien Lecornu - en charge de la coordination du "grand débat", dans les colonnes de Ouest France. Mais Thibault, dans l’Oise, considère que l'exercice n’a pas permis aux citoyens de s'exprimer largement : "Je suis allé à des réunions à côté de chez moi mais bon… Il y a quatre thèmes imposés. J’ai voulu prendre la parole, parler de sujets qui étaient différents, mais on m’a dit non", déplore-t-il, désabusé, au micro d'Europe 1.

"Une attente de justice" fiscale très forte

Emploi, décentralisation, pouvoir d'achat, santé... Si les attentes des Français sont multiples, il existe malgré tout une demande récurrente. "La baisse des impôts est évoquée sur tous les supports", renseigne quant à lui Sébastien Lecornu. C'est également ce qui ressort d'un sondage Ifop réalisé pour le JDD dimanche. Selon cette enquête, 90% des répondants sont favorables à la suppression de la TVA sur 50 produits de première nécessité. C'est d'ailleurs la mesure fiscale la plus consensuelle, devant la suppression de la redevance audiovisuelle (85%).

Ils sont aussi 77% à se montrer favorables au rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), comme à la suppression des droits de succession sur la résidence principale jusqu'à 500.000 euros, et 76% à soutenir la création de tranches d'imposition supplémentaires afin de rendre l'impôt sur le revenu plus progressif.

En revanche, ils ne sont plus que 62% à approuver une réforme de l'impôt sur le revenu où chaque citoyen payerait cet impôt, même de manière symbolique. Et sans surprise, seuls 44% des sondés approuveraient le rétablissement de la taxe carbone, selon cette étude menée en ligne de mercredi à vendredi auprès de 1.005 personnes représentatives de la population française.

C'est un "plébiscite pour les mesures allant vers moins d’impôts", décrypte sur Europe 1 Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. D'après lui, ce qui "transparaît plutôt à travers cette enquête, c'est une attente de justice" : "une réforme fiscale réussie pour les Français, c’est une réforme où il y a une répartition équitable des efforts fiscaux."

Baisse du prix des transports en commun, suppression du département...

Par ailleurs, "les Français se sentent très impactés par le changement climatique", analyse pour Europe 1 Myriam Bégel, étudiante à l'école Normale Supérieure Paris-Saclay. Cette dernière a analysé toutes les données du site du "grand débat" : "Les Français pensent pouvoir contribuer à protéger l’environnement. Dans les propositions les plus fréquentes, ils demandent l’amélioration et la baisse des prix des transports en commun et de meilleures infrastructures de la part des acteurs locaux." "La transition écologique, peu présente en janvier, est montée en puissance en février et début mars", a reconnu Sébastien Lecornu.

En ce qui concerne le dialogue entre les politiques et les citoyens, deux idées sortent du lot : avoir plus souvent recours aux référendums locaux, et réduire le nombre d’élus, les députés mais surtout les sénateurs. Enfin, deux propositions sont plébiscitées pour combattre le mille-feuille administratif : la suppression du département et le recours plus régulier à la fusion de communes.

"Tout le monde n'aura pas une réponse à son problème"

Toutefois, ces annonces ne mettront pas forcément fin au mouvement des "gilets jaunes". Laurence, sympathisante du mouvement dans les Ardennes et qui était dans la rue samedi pour manifester, n'attend d'ailleurs rien de la prise de parole du chef du gouvernement, lundi. "À moins vraiment qu’il nous scotche", précise-t-elle. "Il va falloir que l’on s’accroche à la table", glisse-t-elle encore en plaisantant.

La suite, c'est Emmanuel Macron qui en décidera, avec des annonces politiques attendues avant Pâques. Au sein de l'exécutif, on veut croire que ces annonces auront un effet positif sur les Français. "On est comme dans une campagne, on proposera de bonnes solutions", explique un conseiller. "Ce sera certainement décevant, tout le monde n’aura pas une réponse à son problème", nuançait toutefois un ministre cette semaine, non sans inquiétude.

Le gouvernement est en tout cas bien conscient que la suite du quinquennat se joue avec cette sortie de "grand débat". "Si on ne réussit pas, on est foutu dehors et le pays prend feu", lâche, lucide, un autre ministre.