Exposition de salariés à l'amiante : 60.000 euros d'amende requis contre l'hôpital de Besançon

L'établissement est poursuivi pour "mise en danger d'autrui par violation manifeste et délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité", d'avril 2009 à juin 2013.
L'établissement est poursuivi pour "mise en danger d'autrui par violation manifeste et délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité", d'avril 2009 à juin 2013. © BRUNO FERRANDEZ / AFP
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avec AFP , modifié à
C'est la première fois en France qu'un établissement public, et de surcroît un hôpital, est jugé pour "mise en danger" de ses salariés concernant le risque amiante.

Le parquet a requis jeudi 60.000 euros d'amende contre l'hôpital de Besançon, jugé pour avoir mis en danger la vie de ses salariés en les exposant délibérément à l'amiante pendant plus de quatre ans, sans les former ni les informer sur les risques encourus. Cette peine est légèrement inférieure aux 75.000 euros prévus par le Code pénal. La décision du tribunal correctionnel de Besançon a été mise en délibéré au 30 novembre.

Grande première. C'est la première fois en France qu'un établissement public, et de surcroît un hôpital, est jugé pour "mise en danger" de ses salariés concernant le risque amiante. La présence d'amiante à l'hôpital Jean Minjoz a été clairement établie en 2006 et des travaux de désamiantage ont débuté en 2009. L'établissement est poursuivi pour "mise en danger d'autrui par violation manifeste et délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité", d'avril 2009 à juin 2013.

"Rien n'a été fait". À plusieurs reprises, des salariés des services technique et sécurité incendie se sont trouvés en présence de poussière d'amiante sans protection et sans savoir qu'ils étaient exposés à cette poudre cancérigène. Le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon avait une "connaissance parfaite des risques que prenaient les salariés" amenés à travailler dans des locaux amiantés et "rien n'a été fait" jusqu'en 2013 pour les informer et les former, a dénoncé la procureure Edwige Roux-Morizot. La magistrate a fustigé "l'inertie coupable" de l'hôpital. "Le plus grave a été de laisser des salariés, sans qu'ils le sachent, intervenir dans des lieux où ils risquaient la mort, où ils risquaient la maladie", a-t-elle souligné.

Une cinquantaine de salariés du centre hospitalier se sont portés partie civile, ainsi que les syndicats CFDT, CGT, FO, SUD, le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et l'Andeva (Association nationale de défense des victimes de l'amiante). Pour la défense, en revanche, "le fait qu'il y avait de l'amiante au CHU était connu, l'information a bien été donnée". "En cas de doute sur la présence d'amiante, les salariés devaient en référer à un supérieur avant d'intervenir", a souligné Me Claude Evin, qui a plaidé la relaxe.

Un seul salarié diagnostiqué malade. "Le CHU a pris les mesures qui s'imposaient, dans un contexte difficile" où "la réglementation sur l'amiante était en perpétuelle évolution", a ajouté l'avocat, par ailleurs ancien ministre de l'Environnement. Le dossier ne comporte "aucune preuve" que les salariés s'étaient trouvés dans une pièce où "on avait dépassé les seuils réglementaires" d'exposition à l'amiante, a renchéri son confrère Me Pierre-Yves Fouré. En 2011, un rapport de l'Inspection du travail avait conclu à une "mise en danger délibérée de la vie d'autrui". Jusqu'à présent, un seul salarié du centre hospitalier régional, parti en retraite en 1995, a été diagnostiqué malade de l'amiante, selon l'intersyndicale. Il n'est pas concerné par ce procès.