Euthanasie : pourquoi le Comité d’éthique y est défavorable

La loi actuelle en France interdit l'euthanasie et le suicide-assisté.
La loi actuelle en France interdit l'euthanasie et le suicide-assisté. © AFP
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Mathilde Belin , modifié à
Le Comité d’éthique, qui s’est dit contre une modification de la loi actuelle sur la fin de vie, estime que celle-ci pourrait être davantage appliquée par le corps médical.

Le débat sur la fin de vie est loin d’être tranché : le Comité d’éthique s’est de nouveau prononcé mardi contre une modification de la loi actuelle, qui interdit le suicide-assisté et l’euthanasie. Mais alors que des associations et des parlementaires plaident pour une évolution de la loi Claeys-Leonetti de 2016, le Comité d’éthique appelle à mieux faire connaître et appliquer la législation existante, ce qui semble faire défaut dans le corps médical.

Ce qu’a décidé le Comité d’éthique

"Le CCNE propose de ne pas modifier la loi existante sur la fin de vie (loi Claeys-Leonetti)" : dans son avis rendu mardi, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) estime que la loi actuelle, qui interdit l’euthanasie et le suicide-assisté, est suffisante dans la mesure où "aucun consensus sociétal n’est apparu lors de la consultation quant aux questions de l’assistance au suicide et de l’euthanasie". En outre, le Comité d’éthique estime que la loi Claeys-Leonetti pourrait être "mieux connue et mieux appliquée".

"De cette consultation s’est dégagé un très large consensus pour estimer que l’on meurt mal en France", précise l’avis. L’ancien député Les Républicains Jean Leonetti, qui a donné sur son nom à la loi existante, a partagé ce même constat mardi sur Europe 1. "On met des malades souffrants dans des situations d'indignité qui les font réclamer d’abréger leurs souffrances (…) On laisse les gens mourir en souffrance", a-t-il martelé, appelant à "appliquer les lois et faire en sorte que cette fin de vie soit sereine et apaisée".

Ce qui est préconisé

Le Comité d'éthique liste dans son avis une série de recommandations pour améliorer l’application de la loi existante. Il appelle notamment à un "plan gouvernemental de développement des soins palliatifs" pour améliorer l’information et la formation du corps médical sur la fin de vie, et faciliter l’accès aux soins palliatifs dans tous les territoires. Il recommande aussi de proposer aux patients "dès l’annonce d’une maladie grave ou incurable", et pas seulement en fin de vie, des soins palliatifs.   

Pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), le corps médical a en effet sa part de responsabilité dans la souffrance des patients en fin de vie. "Aujourd’hui la loi pourrait être mieux appliquée mais ce sont les médecins qui décident de ne pas l’appliquer", déplore Philippe Lohéac, délégué général de l’association, contacté par Europe 1. "Mais même si elle était appliquée, cette loi ne réglerait pas tout, comme pour les patients atteints de la maladie de Charcot car vous vous retrouvez emmuré vivant dans votre corps et personne ne fait rien pour vous", nuance-t-il. De nombreux patients atteints de cette maladie dégénérative incurable, à l’image de l’écrivaine Anne Bert, ont rejoint des pays européens voisins pour se faire euthanasier.

L’ADMD va encore plus loin et milite pour une légalisation de l’euthanasie active (c’est-à-dire lorsque l’administration d’un produit létal est décidée par un tiers, en l’occurrence un médecin) et du suicide-assisté (qui est lui décidé par le patient malade). "Aujourd’hui, on endort les patients en fin de vie pour les faire mourir, mais cela peut prendre des jours voire des semaines, c’est d’une hypocrisie totale !", dénonce encore Philippe Lohéac. "On ne demande pas la légalisation de l’euthanasie mais la légalisation de la liberté, d’avoir une loi qui permet à chacun de choisir sa fin de vie", ajoute-t-il.

Comment se positionne le gouvernement

Le gouvernement a déjà indiqué que la fin de vie ne figurerait pas dans son projet de loi sur la bioéthique, qui doit être présenté cet automne, puisqu’elle fait déjà l’objet d’une loi. Dans une interview au Parisien le 18 septembre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a affirmé qu’elle "ne clôt pas le débat" pour autant. "Peut-être qu’il faut faire évoluer la loi Claeys-Leonetti pour pouvoir répondre à encore plus de situations individuelles", concède-t-elle. Mais la ministre de la Santé fait part aussi de ses "inquiétudes" et pointe des "dérives" dans la loi belge : "On aboutit à des euthanasies pour certains malades dépressifs mal soignés par exemple, alors qu’ils pourraient bénéficier de prises en charge de qualité."

Le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission d’information sur la révision de la loi relative à la bioéthique, appelle pour sa part à une évolution de la loi. "On pourra(it) ajouter la possibilité d'une administration d'un produit létal dans certaines conditions très encadrées par la loi", indique-t-il mardi à franceinfo. En février dernier, quelque 150 députés, dont une grande partie issue de la majorité comme Jean-Louis Touraine, ont signé une tribune appelant à légiférer pour donner aux malades en fin de vie "la libre disposition de leur corps".

Ce signal est positif pour l’ADMD, qui entend se reposer sur le pouvoir législatif pour faire évoluer les droits des personnes en fin de vie. "On vit dans une démocratie avancée et c’est le Parlement qui fait les lois aujourd’hui, et non le Comité d’éthique", souligne Philippe Lohéac, assurant que le CCNE "ne représente personne, et ne représente pas l’avis des Français". Selon un sondage Ifop réalisé en 2016, jusqu’à 80% des Français se disaient favorables à l’euthanasie.

Que dit la loi ?

La loi Claeys-Leonetti de 2016 autorise pour les personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale, une sédation profonde et continue jusqu’à la mort, associée à une analgésie de manière à atténuer ses souffrances. Cette loi met fin au principe de "l’acharnement thérapeutique" et permet au patient de demander l’arrêt d’un traitement médical trop lourd.