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avec AFP , modifié à
La 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites a été marquée par de nouvelles tensions dans le cortège parisien. Le ministère de l'Intérieur estime que 570.000 manifestants se sont mobilisés ce jeudi partout en France, tandis que les syndicats, qui en revendiquent près de 2 millions, appellent à une 12e journée de mobilisation jeudi 13 avril.

Nouvelle journée de grève et de mobilisations interprofessionnelles contre la réforme des retraites ce jeudi 6 avril. Au lendemain d'une réunion entre Élisabeth Borne et les syndicats en forme "d'échec" selon l'intersyndicale, les opposants ont battu de nouveau le pavé contre le projet de loi. Alors que les organisations syndicales espéraient voir un regain de mobilisation, les chiffres de ces derniers comme ceux des autorités montrent le contraire. Le ministère de l'Intérieur estime que 570.000 personnes ont manifesté ce jeudi, tandis que les syndicats en revendiquent près de 2 millions.

Les principales informations à retenir : 

  • 111 interpellations et 154 membres des forces de l'ordre blessés en France
  • Nouvelle journée de mobilisation le jeudi 13 avril
  • Une mobilisation en baisse, 570.000 manifestants en France selon l'Intérieur, près de 2 millions selon les syndicats
  • Des heurts dans le cortège parisien, La Rotonde prise pour cible

Le porche de la Banque de France incendié à Nancy

Le porche de la succursale de la Banque de France à Nancy a été incendié jeudi en marge du défilé contre la réforme des retraites, a constaté un photographe de l'AFP. Les pompiers sont intervenus pour éteindre le sinistre après le départ des incendiaires, lors de la manifestation qui a réuni quelque 4.000 personnes dans la cité lorraine, d'après la préfecture de Meurthe-et-Moselle. L'incendie a été provoqué par une poubelle qui a été poussée contre la porte puis incendiée. Un vigile, qui tentait de s'interposer, a été blessé légèrement, a indiqué la préfecture. 

Les rues de Nancy ont été le théâtre d'affrontements entre les forces de l'ordre et des éléments radicaux ce jeudi comme au cours des deux précédentes journées d'action contre la réforme des retraites. Les forces de l'ordre ont fait usage d'une grande quantité de gaz lacrymogènes pour tenter de disperser les éléments incontrôlés, mais les heurts dans le centre-ville se poursuivaient jeudi vers 18h30. Le 23 mars, des incendiaires ont mis le feu au porche de la mairie de Bordeaux en marge d'une autre journée d'action. Trois hommes ont été mis en examen samedi dans ce dossier.

111 interpellations et 154 membres des forces de l'ordre blessés en France, selon Darmanin

Un total de 111 personnes ont été interpellées jeudi en France lors de la 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites et 154 policiers et gendarmes blessés, "certains gravement", selon un bilan provisoire tweeté par Gérald Darmanin.

"Plein soutien aux policiers, aux gendarmes, aux sapeurs pompiers qui protègent les manifestants et les biens publics comme privés", a ajouté le ministre de l'Intérieur. Le nombre de manifestants blessés, dont plusieurs constatés par les journalistes de l'AFP, n'était pas immédiatement disponible.

Près de 2 millions de manifestants selon les syndicats

L'intersyndicale a appelé jeudi à une 12e journée de grèves et de manifestations contre la réforme des retraites jeudi 13 avril, à la veille de la décision très attendue du Conseil constitutionnel. "Près de 2 millions" de personnes ont manifesté jeudi dans toute la France lors de la 11e journée d'action, selon le décompte de l'intersyndicale, tandis que le ministère de l'Intérieur en a recensé 570.000, une mobilisation en reflux par rapport à la précédente journée le 28 mars.

À Paris, plusieurs heurts dans le cortège

Nouvelle journée de violences dans le cortège de la mobilisation contre la réforme des retraites à Paris, où plusieurs banques ont été prises pour cible. Sur la place d'Italie, l'ambiance est toujours tendue à 19 heures. Du gaz lacrymogène flotte sur une partie de la place, les CRS bloquent presque tous les accès et protègent l'entrée du centre commercial.

La colère contre les forces de l'ordre était davantage présente lors de cette journée de manifestations. Les manifestants n'hésitaient pas à riposter et pas seulement les black blocs. Brigitte, syndicaliste, est très remontée contre Élisabeth Borne. "On a l'impression qu'elle ne comprend rien, ou qu'elle ne veut rien comprendre. De toute façon, les gens sont dans la rue parce qu'ils ne veulent plus de Macron", lance-t-elle au micro d'Europe 1.

De son côté, Pierrick attend la décision des Sages : "Dans l'appréciation du Conseil constitutionnel, le nombre de gens qui sera dans la rue, fera partie de choses qui peuvent peser sur leur fameuse appréciation. Je pense que pour l'instant, le combat n'est pas encore perdu".

Sur l'île de Groix, une mobilisation impressionnante au regard du nombre d'habitants

Si la mobilisation semble en baisse dans plusieurs villes de France, elle reste considérable dans des plus petites communes au regard du nombre d'habitants. C'est le cas sur l'île de Groix, dans le Morbihan, qui compte 2.200 habitants à l'année. Ce jeudi, 250 personnes ont manifesté, soit 10% de la population totale. Et, fait assez rare, l'écart du décompte des organisateurs et celui des autorités n'était que de 14 personnes.

Préposé à la banderole, Marc raconte comment le décompte est opéré. "On place des collègues le long du cortège qui comptent. Il y a la gendarmerie qui compte, et donc on tombe sur le même nombre", sourit-il au micro d'Europe 1. Pour le maire de Groix, cette mobilisation, c'est du jamais vu pour une cause nationale. "C'est une des premières fois que j'ai vu une manifestation de cette ampleur. C'est nouveau pour les îles, c'est une population de marins à 80%", explique l'édile.

570.000 manifestants selon le ministère de l'Intérieur

Le ministère de l'Intérieur estime que 570.000 se sont mobilisées ce jeudi pour protester contre la réforme des retraites. Un chiffre en recul : les autorités avaient dénombré 740.000 manifestants le 28 mars, lors de la précédente journée de mobilisation.

À Paris, la préfecture de police a dénombré 57.000 manifestants dans les rues de la capitale ce jeudi. Un chiffre de nouveau en baisse par rapport à la précédente mobilisation du 28 mars, où 93.000 personnes avaient défilé dans la capitale, selon la préfecture de police. La CGT a de son côté recensé 400.000 manifestants contre 450.000 le 28 mars. À 17 heures, il y a eu également 20 interpellations.

Mobilisation encore en baisse dans les cortèges

Les manifestants contre la réforme des retraites étaient moins nombreux jeudi dans de nombreuses villes pour la onzième journée de mobilisation, confirmant le reflux observé la semaine dernière, d'après les chiffres des syndicats comme ceux des autorités. Depuis le sursaut provoqué par le 49.3, la participation s'étiole. Les chiffres ne sont "pas les plus importants depuis le début" du mouvement social, a reconnu le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, depuis la tête du cortège parisien.

A Rennes, habituelle place forte de la contestation, la préfecture n'a compté que 8.500 manifestants et les syndicats 20.000. Même tendance à l'essoufflement dans d'autres métropoles de l'ouest, comme Nantes (15.000 à 50.000 personnes) et Brest (10.000 à 18.000), mais aussi dans le sud, à Nice (2.400 à 20.000) et Marseille (10.000 à 170.000), ou encore dans le centre à Clermont-Ferrand (7.500 à 20.000). 

Quelques villes faisaient cependant de la résistance et affichaient une participation du même ordre que le 28 mars, en particulier à Lyon (13.000 à 30.000) et Perpignan (4.700 à 15.000).

La brasserie parisienne La Rotonde prise pour cible par des manifestants

Des heurts ont éclaté jeudi à Paris entre un groupe de manifestants et les forces de l'ordre avec un début d'incendie à La Rotonde, brasserie prisée d'Emmanuel Macron. Parti de l'esplanade des Invalides en direction de la place l'Italie, le cortège est passé devant le célèbre restaurant où le chef de l'Etat avait célébré en 2017 sa qualification pour le second tour de la présidentielle. C'est alors qu'"un groupe en noir" placé à l'avant de la manifestation a "envoyé des projectiles", dont des "bouteilles, pavés et pétards" sur les forces de l'ordre qui se sont placées en protection de la brasserie. La préfecture de police a évalué à plusieurs centaines le nombre de membres de ce groupe.

Un début d'incendie s'est déclaré après le jet d'un fumigène sur le auvent rouge. Une femme à l'intérieur du restaurant a d'abord tenté d'éteindre le feu avec un extincteur. L'intervention des pompiers a ensuite permis de circonscrire rapidement les flammes.

Sur le Vieux-Port, les manifestants sont au rendez-vous

À Marseille, le cortège de la mobilisation est fournie même s'il semble un peu moins rempli comparé aux autres journées de manifestations. Cependant, la détermination des manifestants est au rendez-vous : "il y a un petit ralentissement qui est logique puisque on attend le Conseil constitutionnel. Derrière, ça va continuer. Je pense qu'en mai, on y sera encore ! Ça joue l'épuisement mais l'épuisement ils ne l'auront pas. Quand les gens montent dans le rouge, on ne sait pas à quoi on peut s'attendre", explique Alain, un manifestant, au micro d'Europe 1.

Le rendez-vous raté entre l'intersyndicale et le gouvernement a poussé dans la rue de nouveaux manifestants à l'instar de Robin, employé chez Air France : "C'est la première fois que je manifeste. Ça m'a bien motivé ! C'est un bras de fer, on est dans une impasse. C'est inquiétant en 20 ans, on a réussi à détricoter tout les acquis sociaux qu'on a mis un siècle à avoir. Il faut garder espoir. Les causes justes méritent d'être d'être battues jusqu'au bout".

Robin, et d'autres manifestants, attendent avec impatience les conclusions du Conseil constitutionnel sur la question de l'organisation possible d'un référendum. 

Et ensuite ? 

Laurent Berger, de la CFDT, espère que les Sages censureront "l'ensemble de la loi" le 14 avril. À défaut, un feu vert à la procédure de référendum d'initiative partagée (RIP) sur les retraites pourrait aussi "être l'occasion de ne pas promulguer cette loi et de repartir sur de bonnes bases", a-t-il estimé.